[dropcap]L[/dropcap]a couverture et le titre de ce roman, Ceci est ma chair, de Marc Villemain, annoncent la couleur, l’on a bien affaire ici à une histoire cannibale, dans cette veine dystopique que l’on retrouve de plus en plus souvent en littérature ces dernières années.
Dans un monde qui pourrait ressembler au nôtre, dans un futur plus ou moins lointain, et afin de faire face à l’épuisement des ressources et aux pandémies (le projet du livre date de bien avant l’arrivée du Covid19), une communauté d’êtres humains fait sécession du reste du monde et décide de s’adonner au cannibalisme.
Pas n’importe lequel évidemment, tout cela a été pensé et planifié. Chaque mois, quelques personnes décident de se sacrifier ou sont tirées au sort par un dépariteur (chargé de faire respecter l’ordre).
Pour vous représenter la Terre d’avant notre Révolution, n’ayez donc à l’esprit qu’une image: celle d’une morne plaine que balayent la misère et la déraison. Le plus étrange, voyez-vous, est que tout le monde savait pertinemment que l’humanité érigeait elle-même le mur contre lequel elle finirait par s’écraser la tronche: on ne comptait plus les libelles, pamphlets et autres tribunes d’opinion en appelant à la refondation d’un système de production des ressources alimentaires qui n’affectât pas les derniers territoires immaculés et laissât en vie des espèces animales qui avaient l’affront de résister à la boucherie.Marc Villemain
Cette organisation millimétrée va se trouver mise à mal par une explosion de l’usine de transformation de la « viande » dans ce qui ressemble fort à un attentat. La lumière sera rapidement faite sur cette attaque et un sacrifice sera nécessaire pour rassembler cette communauté aux mœurs très spéciales.
L’originalité du roman ne se trouve pas que dans son histoire mais également, et surtout, dans sa langue. Entre fable et farce, l’auteur évolue avec humour et drôlerie parmi des références musicales populaires:
Alors moi, tu vois, mes cigarettes étaient toutes fumées dans le cendrier, c’était plein de kleenex et de bouteilles vides, j’étais toute seule, toute seule, toute seule pendant que l’ivrogne se désespérait, et en plus je sais pas conduire, d’ailleurs j’avais pas les clés de la maison […]
Marc Villemain
et la truculence d’un Rabelais :
Au signal, le maître queux Aramis de L’Allyson, cuistancier de première et fricasseur officiel du dit-duché, vint en personne régaler nos gloutons d’une première salve d’amuse-gueules: dés de gigolette à la truffe et petites andouillettes sur paillasse de frisée. Les goinfres en salivaient tant et tant que le tenancier se résolut à faire donner l’artillerie, aussi nos crève-la-faim purent-ils dans la foulée se partager d’excellents boudins dans leur motte de graisse, suivis d’innombrables rondelles de foie dans leur jus naturel.
Marc Villemain
Découpé en tableaux aux titres à rallonge: « Où Loïc d’Iphigénie s’apprête pour un five o’clock chez Gustave du Gonzague avant de tirer très apéritivement le portrait des convives et qu’en grande pompe n’arrive le Spirite à grands pieds » pour ne prendre qu’un exemple, avec une distribution des personnages au début du roman comme dans une pièce de théâtre, l’auteur alterne également passages dialogués et récit dans un format éclaté qui participe à l’originalité de l’ensemble.
Ceci est ma chair est une des lectures les plus extravagantes et inventives de cette rentrée littéraire qui ravira les adeptes de nouvelles expériences en littérature. Et comme le dit l’auteur lui-même de son roman: « Je ne suis moi-même pas bien sûr de le comprendre tout à fait, du moins ne suis-je pas complètement certain d’en cerner les mobiles profonds. » (Extrait de son blog)
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Ceci est ma chair de Marc Villemain
Les Pérégrines, 2 septembre 2021
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Image bandeau : Photo de Sud Ouest