[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#c24444″]L[/mks_dropcap]e livre de Mathieu Brosseau est travaillé comme un conte, une fable, qui raconte l’histoire d’une femme et peut-être un peu plus. Les personnages sont presque tous désignés par ce qu’ils sont. Il y a la folle, l’interne, le médecin, l’infirmier ou encore la sœur. Nous sommes dans un pays imaginaire qui comme en parallèle de notre monde résonne plus fort que la réalité. Il y a la ville, l’autre ville, le pays des montagnes, le pays de l’autre côté des montagnes et aussi des baobabs qui surgissent dans le décor.
Chaos est donc un conte qui nous raconte la fuite d’un interne et d’une folle vers l’autre ville. Tel un livre de voyage, on traverse cet imaginaire servi par une langue forte, marquée par les travaux poétiques de Mathieu Brosseau. C’est l’histoire d’une femme, voyant au-dessus de sa tête un magma étrange, qui fuit l’hôpital avec l’aide d’un interne compatissant pour aller voir sa sœur. Mais on perçoit au-delà de l’histoire notre rapport à la folie. Dans les propos de la folle qu’essaye de comprendre l’interne, il y a des clés pour comprendre le rôle social, politique voire ontologique d’une personne démente face à ceux qui se disent sains d’esprit.
Mathieu Brosseau tisse en sous-texte l’irrésistible désordre originel du monde. Nous sentons à travers ces propos, cette histoire, ce pays imaginaire, que le monde n’est pas constitué en réseau mais en une diversité de perceptions propres à chacun. Ce chaos est ce qui nous constitue en tant qu’individu, mais la société vient l’aplanir pour que l’on puisse considérer notre monde comme ordonné, les différences organisées et rangées.
Si la langue illustre parfaitement le tumulte mental, l’histoire du roman permet de percevoir au-delà la dose de lucidité salvatrice que possède la folie. Le lecteur s’imagine alors que les hallucinations de la folle n’en sont pas, qu’elle perçoit une autre réalité. En territoire de fiction, tout est possible. Que cette possibilité rejoigne et se confronte à l’assimilation au réel, tel est le pouvoir de la lecture.