Joseph est l’histoire d’un homme seul. Solitaire. Travailleur qui se loue à la journée ou plus si c’est possible, pour tous les travaux agricoles, dans sa région.
Un homme de peu de mots et de peu de biens. Un homme qui souffre et ressasse dans sa tête, qui se souvient de tout et dont les gens du coin connaissent la mémoire. Ces mêmes gens connaissent aussi son histoire. Tout le monde sait tout sur tout le monde dans ces petits endroits. Même les quelques policiers connaissent Joseph et le laissent cuver son vin dans sa voiture le soir, tard, après le bal.
Joseph, dans un de ces bals, rencontre une fois Sylvie. Ils vivent une histoire. Joseph, trop renfermé, toujours taiseux, la subit plus qu’autre chose. Sylvie finira par partir avec un autre. Ne laissant au héros que le goût de l’alcool.
Joseph a un frère. Jumeau. Parti.
Joseph a aussi sa mère, chez qui il passe ses dimanches. Elle partira aussi -le laissant seul- vivre chez le frère et la belle fille et les enfants à venir. C’est mieux.
Joseph restera, préparera sa retraite, réservant déjà sa place, à pas encore 60 ans, dans une maison.
Livre de facture classique. On pense bien sûr à Flaubert dont l’auteur s’est inspirée (jusqu’à reprendre les prénoms de certains personnages, le vocabulaire parfois, les phrases qui tapent). On pense aussi à Maupassant et à Une Vie.
Marie-Hélène Lafon est professeur de lettres classiques. Cela se sent sans que la lecture en soit gênée. Pas d’extravagances dans son roman. Des faits, une histoire, une vie qui passe, avec ses souvenirs et ses peines.
« Une vie ça n’est jamais si bon ni si mauvais qu’on croit » disait Maupassant. Allez donc vivre la vie de Joseph pour voir.
Malgré ce style un peu neutre, on sent de l’empathie pour ce personnage perdu, presque déjà mort. A ce titre, la dernière phrase claque comme un couperet, la mort dans l’âme, la mort dans la vie.
Je n’ai jamais lu Marie-Hélène Lafon, mais ton article me pousse en direction de Joseph – personnage dont je n’envie pas l’existence…
Depuis cet article j’ai lu « Liturgie » de Lafon. Même ambiance. 5 nouvelles, certaines très courtes, mais toutes sur le mode dépression, suicide, malheur. Pas simple à lire.