[dropcap]C[/dropcap]’est un premier opus et c’est une très bonne entrée en matière. « Chaplin en Amérique » (Rue de Sèvres) est, en effet, la première bande-dessinée réussie d’un triptyque explorant la vie tumultueuse autant que talentueuse de Charles Spencer Chaplin, alias Charlot, cet étrange personnage clownesque qui a pu séduire autant qu’agacer.
L’ouvrage est signé par Laurent Seksik (idée originale, scénario et dialogues) et David François (mise en scène, dessins et couleurs). Médecin et écrivain, le premier est un spécialiste de l’exofiction, un genre romanesque qui s’inspire de la vie de personnages réels tout en s’autorisant des digressions, des évocations de pans de vie qu’on ne retrouvera pas, par exemple, dans une biographie à la rigueur scientifique éprouvée. Quant au second, il fut le dessinateur inspiré du « Vendangeur de Paname » (Delcourt), que nous avions chroniqué avec plaisir dans ces mêmes pages BD en mai 2018.
« Salut l’Amérique, je suis venu te conquérir » : c’est avec ces mots que le futur « Charlie » Chaplin débarque en 1912 sur le continent américain
« Salut l’Amérique, je suis venu te conquérir » : c’est avec ces mots que le futur « Charlie » Chaplin débarque en 1912 sur le continent américain. Si le succès n’est pas d’emblée au rendez-vous, le jeune comédien s’accroche. Il préfère toujours voir le verre à moitié plein. Ce qui n’est pas le cas de Stanley, son compagnon d’infortune, sensible et pleurnichard, qu’il s’efforce de tirer comme il peut vers le haut de l’affiche. Entre une nuit passée entre les bras d’une belle et les souvenirs d’un père saltimbanque ayant sombré dans l’alcool, Charles Chaplin émerge donc, rêve et s’imagine star d’Hollywood. Du reste, comment pourrait-il ne pas y croire ? Même les cartes tirées par une diseuse de bonne aventure lui prédisent une carrière extraordinaire et un avenir fortuné.
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[dropcap]S[/dropcap]a chance, c’est Mack Sennet, le plus grand producteur de l’époque, qui va lui donner. La mayonnaise va prendre immédiatement. Charlot danseur, Charlot et le parapluie, Charlot content de lui… Il n’y pas une situation qui lui échappe et pour laquelle son inspiration se met en action. Charlot fait ainsi le pitre, multiplie les mimiques, excelle dans le mime, déchaîne le rire de foules entières avides de se détendre en ces temps troublés.
C’est qu’en effet la première guerre mondiale vient d’éclater et que les esprits s’échauffent outre-Atlantique. Au point qu’on s’interroge en Grande-Bretagne de la réussite d’un ressortissant plus enclin à faire le clown qu’à se battre sur le front… Sur ce point comme sur bien d’autres, Chaplin commencera par botter en touche, avant de trouver les moyens de (presque) satisfaire son devoir…
Ainsi va la vie de Charlot qui, poussé par sa forte personnalité et son désir fou de tout contrôler, ne va pas tarder à s’affranchir de son mentor, passant lui-même derrière la caméra pour produire ses propres films. Ses amours, ses amis, ses emmerdes… Rien n’échappe au lecteur amusé que nous sommes de plonger ainsi dans le parcours hors-norme de l’un des plus grands artistes de tous les temps.
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Portée par un dessin évanescent, qui nous invite parfois à flotter dans les airs avec Charlot le poète, la bande-dessinée est imprimée sur un papier mat au grammage généreux. Fruit du travail de PPO, l’une des rares imprimeries françaises à s’être spécialisée dans la BD, cette réalisation agréable au toucher ajoute au charme de « Chaplin en Amérique« . Pour ne rien rater du prochain tome, prévu à la rentrée 2020, ne tardez donc pas à découvrir cette bande-dessinée, que vous soyez fan ou non du « Kid » ou du « Dictateur » !
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Chaplin en Amérique de Laurent Seksik et David François
Paru aux Editions Rue de Sèvres, septembre 2019
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