[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#dd3333″]A[/mks_dropcap]ujourd’hui, pour Addict, je vais changer mon fusil d’épaule, laisser tomber le métal, et vous raconter une belle histoire : celle de Claude Fontaine. Une belle histoire qui, pourtant, commence fort mal.
À vrai dire, c’est un échec sentimental qui amènera l’Américaine Claude Fontaine à sortir un des disques les plus rafraîchissants de 2019. L’histoire (ou la légende, c’est selon) veut que, pour se changer les idées, la demoiselle s’exile à Londres et pousse la porte d’un disquaire. Bol monstrueux, elle entre chez Honest Jon’s, disquaire légendaire fondé en 1974 par Jon Clare et repris depuis par Mark Ainley et Alan Scholefield (et accessoirement label créé par les deux en collaboration avec Damon Albarn de qui-vous-savez).
Vous me direz, elle aurait très bien pu aller chez Mark & Spencer, claquer son fric en fringues de luxe, ou Mac Do, noyer son chagrin dans les burgers, mais non, elle va chez Honest Jon’s, meilleure boutique Londonienne spécialisée dans les musiques du monde. Et là, elle découvre le reggae, la bossa nova et en oublie son chagrin. À tel point qu’elle se noie totalement dedans (la bossa et le reggae, pas le chagrin), décide de créer des chansons et sortir un disque uniquement consacré à ces styles. En revanche, la dame ne sachant pas quelle orientation privilégier, elle choisira de ne pas choisir.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#dd3333″]P[/mks_dropcap]our ce faire, et quitte à faire les choses bien, elle va partir à la recherche de pointures du genre Tony Chin, guitariste de Lee Perry ou encore Max Romeo, et Airto Moreira batteur chez Astrud Gilberto ou Miles Davis.
Après les avoir pistés, tracés, limite engagé un privé pour retrouver leur trace, elle parvient à entrer en contact avec eux et, encore bol monstrueux, ils acceptent de lui filer un coup de main.
Ensuite, pour compléter l’équipe, elle recrute le bassiste Ronnie Mcqueen (Steel Pulse), le batteur Rock Deadrick (Ziggy Marley), le percussionniste Gibi Dos Santos (officiant chez Sergio Mendes) et d’autres encore. Bref, elle s’entoure magnifiquement et nous offre, comme premier album, un disque surfant sur la vague vintage, hors d’âge, délicieusement rétro et d’une fraîcheur bienvenue pour une future canicule. Sur la première face (parce que oui, le support le plus adapté pour cet album reste le vinyle), elle vous embarque en chaloupe, sur des rythmes caribéens, reggae, rock steady ou encore calypso.
Ça ondule, ça louvoie, c’est frais, léger comme la bise, avec juste ce qu’il faut de sucrerie pop pour créer une légère addiction. Comme en sus la demoiselle a parfaitement appris son manuel du petit Lee Perry ou King Tubby, vous avez également droit à des digressions dub du meilleur effet, ainsi que des réminiscences Specialsiennes (Love Street) et enfin du Augustus Pablo.
Bref, côté reggae, quand le bras arrive à la fin du sillon, on se dit que c’est tellement bien fait que l’album aurait pu sortir à la fin des 70 ‘s sur le Black Art, on n’y aurait vu que du feu.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#dd3333″]M[/mks_dropcap]aintenant que le bras est revenu à sa place, retournons la galette pour voir ce qu’il s’y passe. Et là, vous me direz : méfiance. Si je dis que, côté reggae, c’est très bien fait, on peut logiquement supposer que côté musique Brésilienne, ce soit un peu la cata. Et bien … même pas.
Bon, on a le droit à quelques clichés/lieux communs en arrière fond mais aucunement gênants car faits avec une sincérité désarmante. Après avoir visité de façon sautillante la Jamaïque, nous sommes maintenant transportés sur la côte Brésilienne, en fin d’été. Vous êtes seul à arpenter le sable chaud, le soleil darde ses derniers rayons, les ressacs vous lèchent les pieds et vous savez pertinemment que, le lendemain, il vous faudra retrouver la grisaille hexagonale ainsi que vos collègues. Alors forcément, à ce moment précis, une pointe de nostalgie vous étreint le cœur, la mélancolie s’insinue insidieusement, vous travaillant les tripes comme rarement.
C’est un peu ça cette seconde face, une bossa nova qui, sous des atours volatiles, s’avère d’une légèreté plombante. Un easy listening façon Astrud Gilberto ou Claudine Longet, égrainant sa nostalgie au son des notes d’un piano triste ou d’un violoncelle dépressif. Une chaleureuse mélancolie en somme.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#dd3333″]E[/mks_dropcap]t puis bon, même si je ne l’ai pas encore évoqué, le chant de Claude Fontaine n’est pas étranger à la réussite de ce disque. Imaginez une sorte de Hope Sandoval prise de passion pour la Jamaïque ou le Brésil, revisitant le répertoire de Claudine Longet et vous aurez une idée du ton de ce premier album doux-amer.
Certes, Claude Fontaine n’invente strictement rien, là n’est pas son objectif principal, mais elle parvient, en réunissant suffisamment de talents autour d’elle, à recréer un univers aussi léger qu’identifiable, rassurant, chaleureux, d’une douce nostalgie.
Alors quand une sucrerie pop se présente à vous de cette façon, un conseil d’ami : ne faites pas trop la fine bouche et laissez vous tenter. Vous verrez, vous serez surpris par sa délicatesse et sa volupté.