[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]‘un des meilleurs espoirs des jeunes auteurs français a livré, fin août 2016, un nouveau roman publié chez Sarbacane, nommé Songe à la douceur. Après l’immense succès des Petites reines, son roman follement drôle et passionnant, Clémentine Beauvais revient et continue d’explorer tous les pouvoirs des mots et de la langue.
Songe à la douceur commence par une rencontre, ou plutôt des retrouvailles, dans le métro parisien. Eugène et Tatiana ne se sont pas vus depuis dix ans et ne se connaissent plus du tout. Pourtant, leur histoire avait bien commencé et promettait un bel avenir plein de frissons et d’étoiles dans les yeux. On le sait, un événement perturbateur fichera tout ça par terre – puisqu’ils se retrouvent tout benêts dans la ligne 14, mais l’auteur ne nous en dit rien et nous prévient : « il est temps d’un bref rappel des faits. Il est temps de revenir à peu près dix ans en arrière, à l’époque où tout a commencé ».
Eugène et Tatiana, on les rencontre donc à respectivement 27 et 24 ans, puis, d’un seul changement de page, on les retrouve à 17 et 14 ans. Un été chaud, en banlieue pavillonnaire, pas grand chose à faire à part suivre d’un œil torve les histoires d’amour des autres. Puis viennent la rencontre, les échanges banals qu’on revit cinquante fois au fond de son lit, qu’on change, améliore et déforme. Une attirance, une promesse et des rêves qui se bousculent avec une force que seule l’adolescence permet.
Tout cela, Clémentine Beauvais le transmet dans une forme très surprenante : le vers. S’inspirant des deux Eugène Onéguine de Pouchkine et Tchaïkovsky, l’auteur souhaite transmettre une touche de poésie et un soupçon d’amour passionnel à la russe. Et cela fonctionne parfaitement, car le lecteur ne s’en retrouve pas gêné, bien au contraire : les césures ne sont pas là par hasard, elles apportent un rythme et une vie qu’on devine parfaitement travaillés par l’auteure.
Songe à la douceur est le récit d’une double histoire d’amour, avec deux personnages qui pourraient en représenter quatre, tant dix années passées entre l’adolescence et l’âge adulte constituent un fossé et une ère complète d’évolution. Une histoire d’amour totale, simple et décisive qui demandera du courage à Tatiana et Eugène. Ils devront décider quel chemin suivre pour leur futur, ensemble ou chacun de son côté.
C’est aussi une quête de réponse : Tatiana essaie de comprendre ce qu’elle s’était résolue à classer au fond de sa mémoire. Comprendre, revivre, analyser avec ses yeux d’adulte, afin de déchiffrer les signes et les appels, pour mieux accepter cet événement traumatisant. Relier aussi à ce que l’on devient plus tard, marqué par nos expériences. Tout cela servi par le ton malicieux, souvent drôle et très ingénieux de l’auteure qui sait traiter de sujets graves et réels pour les adolescents et jeunes adultes.
Véritable surprise approuvée par un grand nombre de professionnels du livre et de la culture, la lecture des Petites Reines est aussi chaudement recommandée. Car, encore une fois, Clémentine Beauvais prouve qu’elle sait traiter de sujets difficiles tels que le jugement et le harcèlement que certaines filles peuvent subir à l’adolescence, d’une façon joyeuse et libérante. Porteurs d’une malice, d’un courage et d’un humour implacable, les personnages de ce roman envoient un message très positif et, avouons-le, nous font du bien au milieu des nombreuses histoires de vampires.
Pour finir, n’oublions pas une publication à laquelle Clémentine Beauvais a participé en mars 2012 : On n’a rien vu venir, publié par Alice éditions, écrit par sept auteures et préfacé par feu Stéphane Hessel, est un ensemble de textes traitant de la montée des extrémismes et des peurs intergénérationnelles. Dur, mais indispensable.
Songe à la douceur de Clémentine Beauvais publié aux éditions Sarbacane, Août 2016.
Site officiel – facebook – Editions Sarbacane – Alice éditions