[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#8c1c1c »]J[/mks_dropcap]e commencerai cette chronique par m’excuser. M’excuser car, aujourd’hui, je vais prendre mon temps, (et bouffer le votre par la même occasion) pour développer une chronique à propos d’un groupe qui a beaucoup compté pour moi et reste très sous-estimé. Un groupe rare dont l’influence sur la musique actuelle est inversement proportionnelle au nombre de ventes réalisées par celui-ci quand il était encore en activité et auteur de quelques albums cruciaux (Love Secret’s Domain, Horse Rotorvator et surtout les Musick To Play In The Dark, diptyque monumental de la musique électronique actuelle).
Petit rappel historique avant d’entrer dans le vif du sujet :
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#56001a »]O[/mks_dropcap]nce upon a time 4 garçons dans le vent, étudiants en art et voulant élargir leurs chants de compétence. Ces quatre jeunes gens, se faisant quelque peu chier dans l’Angleterre légèrement moribonde de 1975 (Wish You Were Here des Floyd, Young Americans de Bowie, de bons albums certes mais rien de vraiment expérimental à se mettre sous la dent), décident, lors de leur dernière prestation en école d’art, de créer un groupe. Genesis P-Orridge-, Casey Fanni Tutti, Chris Carter et Peter « Sleazy » Christopherson forment donc Throbbing Gristle et révolutionnent la musique expérimentale en l’industrialisant, capables de fusionner le Velvet du White Light avec John Cage, Can et Burroughs pour créer un style unique en son genre.
Après quelques albums mémorables, le groupe se dissout en 1981 et deux de ses membres (Sleazy et P-Orridge, qui a la particularité d’être le premier musicien anglais à être condamné à l’exil), avec Alex Fergusson, vont créer Psychic Tv. C’est en tant que fan hardcore de Throbbing Gristle que Geoff Rushton aka John Balance, rencontre Christopherson. Pour résumer très vite : le jeune garçon, très entreprenant, fait des pieds,des mains et d’autres choses inavouables pour rencontrer Sleazy ; le courant passe, les deux deviennent amants, Balance intègre Psychic Tv puis en 1983, un 11 mai, ils décident de créer leur propre groupe, Coil.
[mks_pullquote align= »left » width= »250″ size= »24″ bg_color= »#a0000a » txt_color= »#ffffff »] »Le groupe ose tout, développe son style kaléidoscopique unique à base d’expérimentation, d’industriel, de folk et d’ambient. »[/mks_pullquote]De là sort un premier Ep, remarqué, How To Destroy Angels en 1984 ainsi qu’un premier album, lui aussi remarqué, Scatology, la même année. Le duo s’étoffe, devient trio en la personne de Stephen Thrower jusqu’au départ de celui-ci en 1995, remplacé par Drew McDowell auquel s’ajoutera en 1997 Thighpaulsandra (membre récurrent de Spiritualized et musicien d’un autre allumé notoire, Julian Cope). Le groupe sort quelques albums/Ep dans une certaine confidentialité mais sa renommée commence à prendre de l’ampleur, due au fait qu’il développe une musique à nulle autre pareille (assemblage d’ésotérisme, d’occultisme, d’électro, de spoken word, de classique) qui trouve son premier point d’orgue en 1986 avec Horse Rotorvator. Comme dans tout parcours bien tracé, après la renommée, vient le succès. Celui-ci frappera à la porte du groupe en 1991 avec la pierre angulaire Love’s Secret Domain mais, ayant affaire au lion représenté sur la couverture du disque, trouvera porte close.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#56001a »]B[/mks_dropcap]ackwards, disque qui nous préoccupe ce jour, est sensé arriver après Love’s Secret Domain, second grand classique de Coil. L’album sort au début des années 90, en pleine période acid house, KLF triomphe, 808 States sort ex:cel, Madchester explose, Technique fait danser des millions de personnes, les Happy Mondays se gavent de pilules et ne souffrent pas encore de maux d’estomac, l’OMS retire l’homosexualité de la liste des maladies mentales. Tout cet environnement, propice aux débordements, se ressent fortement sur LSD. Le groupe, sous MDMA et speed de l’aveu de Balance, ose tout, développe son style kaléidoscopique unique à base d’expérimentation, d’industriel, de folk et d’ambient (Dark River est une synthèse magnifique de leurs styles). Bref, il s’imprègne de l’air du temps et délivre un disque brillant, novateur, touchant à tous les styles, de l’acid house empreinte de jazz sur The Snow au folk sur Lorca Not Orca, en passant par l’ambient ou le classique (la dernière partie de Chaostrophy, très arrangée), réinterprète William Blake. LSD se barre dans tous les sens, vampirise tout ce qu’il touche, en suivant une ligne directrice, foncièrement électro et expérimentale, que seuls Christopherson et Balance pouvaient rendre cohérente.
La suite, malgré un nombre de sorties impressionnantes, se fera attendre huit ans. Musick To Play In The Dark sort en 1999. Le groupe, entre temps aura sorti cinq albums mais aucun dans la continuité de LSD, sans cette accessibilité quasi immédiate. Un de remixes Ambient/Dark Ambient teinté d’indus très réussi (How To Destroy Angels, 1991), un autre plus expérimental recyclant les démos et les chutes de LSD, presque aussi indispensable que LSD (Stoled & Contamined Songs, 1992), encore un autre plus proche de la musique concrète sur lequel le duo s’égare un peu (The Angelic Conversation, 1994) puis une collaboration schizophrène avec ElpH (groupe constitué de Coil + Drew McDowall avant son intégration définitive. Le nom désigne les sons inattendus, tels les glitchs, pouvant sortir des équipements électros utilisés par Coil) et enfin un Astral Disaster glaçant et réussi (pour lequel je vous conseille d’acquérir la version cd) en 1999. Ajoutez à cela des Eps (tous les Eps constituant Moon’s Milk sont sortis entre 1998 et 1999), une incursion dans le Drone/Dark Ambient sous le pseudonyme de Times Machine, une autre sous le nom de Black Light District et vous comprendrez qu’en huit ans, le duo n’a pas chômé loin de là. Nonobstant, entre LSD et Musick To Play In The Dark, le duo se rapproche de Trent Reznor, leader de Nine Inch Nails (qui aura un certain rôle à jouer dans la conception de Backwards) et va jusqu’à remixer quelques morceaux du très grand The Downward Spiral.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#490002″]O[/mks_dropcap]r donc, Backwards devait sortir en 1993, comme pour LSD et les premiers albums de Coil, chez Torso Records (label pratiquant le plus grand écart facial jamais observé dans l’histoire de la musique : en une décennie il a été capable de sortir du Coil comme du S’Express ou encore Les Négresses Vertes, Sapho, Bomb The Bass, Sonic Youth ou The Fall.). Les démos ont été soumises au label mais pas retenues. Le groupe préférant, au milieu des années 90, les enregistrer dans les studios de Renzor à la Nouvelle-Orléans et sortir Backwards sur son label Nothing Records afin de le diffuser à grande échelle via Interscope, major distribuant Nine Inch Nails.
[mks_pullquote align= »left » width= »250″ size= »24″ bg_color= »#a0000a » txt_color= »#ffffff »] »Plus de vingt ans après sa conception, sort enfin l’album tel que voulu par les membres de Coil. »[/mks_pullquote]Initialement prévu sous le nom de Backwards, l’album va , au gré des humeurs du duo, changer de nom : d’abord International Dark Skies puis God Please Fuck My Mind For Good et enfin, The World Ended A Long Time Ago. Vu l’évolution des titres, on comprend aisément que les Anglais n’ont aucune envie de le sortir, préférant créer une musique qui leur ressemble, innover, que de gagner du pognon avec (raison pour laquelle ils n’ont jamais voulu avoir affaire avec les avocats d’Interscope et Universal). Néanmoins, au bout de dix ans, certaines chansons de Backwards vont se voir offrir une seconde vie. Tout d’abord en 2005, un an après la mort de John Balance, sur The Ape Of Naples, dans lequel sont inclus cinq morceaux de la version 2015 (Amber Rain, Cold Cell, It’s In My Blood, Heaven’s Blade et Fire Of The Mind) puis sur The New Backwards, en 2008, où se retrouvent les restes de Backwards, intro exceptée.
Bref, le 24 novembre dernier, soit plus de vingt ans après sa conception, sort enfin l’album tel que voulu par les membres de Coil. Le destin de celui-ci rappellera furieusement celui d’un autre album qui aura mis plus de trente ans à voir le jour, le Smile des Beach Boys. Le parallèle n’est pas fortuit, comme celui des Beach Boys, l’album de Coil s’avère être, vingt ans après sa conception, d’une modernité et d’une pertinence incroyables. Comme Smile, Backwards porte en lui la folie de ses créateurs ainsi que l’empreinte de son époque. Clairement. L’album devait sortir en 1993 donc, époque où le métal indus de Ministry triomphe avec leur classique Psalm 69, où Rage Against The Machine fait headbanger avec Killing In The Name et enfin, où Reznor prépare dans son coin ce qui va devenir son grand classique, The Downward Spiral. Backwards sera donc empreint de toute cette ambiance (faite d’innovation, de rage, contestataire, critique, très politique, bercée dans une indus apocalyptique) mais à la sauce Coil et surtout baignée d’occultisme.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#490002″]P[/mks_dropcap]our ce faire, détail du disque : pour commencer, il faut savoir que Backwards se présente comme un album de transition : d’un côté une première partie Solar Music (traduire industrielle, anxiogène et complètement barrée), de l’autre une partie Moon Music (plus ambient et versant dans l’occultisme).
L’entrée dans ce dédale furieux se fait par une petite intro, segment instrumental d’une cinquantaine de secondes, dans lequel est présente une boucle électronique fonctionnant entre déshumanisation et chaos constituant le cœur du son de Coil.
[mks_pullquote align= »left » width= »250″ size= »24″ bg_color= »#a0000a » txt_color= »#ffffff »] »Backwards grince de partout, couine, dérange, transpire l’urgence, la folie, la peur. »[/mks_pullquote]Ensuite l’auditeur entre dans Backwards en plongeant directement au cœur du réacteur, fort mal en point par ailleurs. Celui-ci se met en branle difficilement, crachote avant de prendre son rythme de croisière entre industriel et acid house, soutenu par un John Balance complètement barré, suintant l’angoisse, faux prophète poursuivi par ses démons, hurlant ses croyances à la face de l’auditeur (exit is everywhere, the machines are sick). Backwards grince de partout, couine, dérange, transpire l’urgence, la folie, la peur (l’acronyme False Evidence Appearing Real, FEAR donc, est hurlé comme un damné par un Balance complètement parano) et prend l’auditeur à la gorge. La seule véritable bouée à laquelle se raccrocher reste la basse, imperturbable point de mire dans tout ce chaos.
Amber Rain va prendre le contre-pied de Backwards en abandonnant l’indus et en introduisant ce qui fera les germes de Musick To Play In The Dark (et plus précisément Strange Birds). A savoir une électro anxiogène tirant vers l’ambient malsaine, lardée de bruits inquiétants avec cette impression d’être au cœur d’une jungle peuplée d’étranges créatures (on croit y distinguer par moment des chiens, des chats, des oiseaux). Amber Rain se permet de distiller tout du long une angoisse majeure de par cette plongée dans une musique instable, faite de nappes de synthés et de micro-bruits dissonants, dérangeante de par cette impression d’y entendre parfois plus de sons que l’oreille ne le devrait (en gros d’être dans la tête d’un psychotique) notamment dans la dernière partie où le sérialisme de Steve Reich se frotte aux expérimentations de Sleazy.
Expérimentations qui seront très présentes sur le morceau suivant, Fire Of The Green Dragon, pendant lequel la température augmente sensiblement. Fire commence par différents cut-up, musicaux et vocaux, histoire de perdre l’auditeur. Sur quoi arrive le motif musical, gimmick qui servira de point d’ancrage quand le chaos sera de mise. Car, vous vous en doutez, avec un titre pareil Christopherson et Balance vont créer un chaos infernal entre indus et acid house et ce dans le but de vous faire entrer aux premières loges au cœur de la fournaise. Balance a beau adoucir le propos en nous promettant monts et merveilles (and i gonna give you honey if i can), rien n’y change, le morceau sera un véritable amas industriel fait de rythmes syncopés, de voix collées par dessus, et se concluant par la sentence suivante murmurée par Balance : there’s a terrible branding sound made by the sound.
Retour vers la folie de Backwards avec un Be Careful What You Wish For plus expérimental et industriel que tout ce qu’on a pu entendre jusque là. De par sa construction, toute en ruptures et rythmiques syncopées, voix triturées, hachées, très industriel mais lorgnant vers le Breakbeat, Be Careful préfigurera en quelque sorte les travaux qu’Autechre va développer dès Tri Repetae en matière d’électro. On y retrouve néanmoins la patte inimitable du duo, très martiale et tout en digressions électros barrées avec un Balance possédé.
Can the animal see this ??? s’interroge ensuite Balance en introduction d’un Nature Is A Language oppressant, robotique et déviant, parfaite illustration de ce que pourrait être l’univers de K. Dick s’il était transposé en musique. Cauchemar suffocant, probablement le morceau le plus anxiogène de Backwards, constitué en premier lieu de boucles, d’éclats musicaux brisés puis à la progression sinusoïdale sur laquelle Balance tente vainement d’être humain, Nature Is A Language fait partie de ces morceaux, fascinants et malsains, dont le groupe a le secret. Et, petite réflexion personnelle : plus que Nature…, Do Androïd Dreams Of Electric Sheeps aurait semblé plus adapté.
https://youtu.be/qunV-uT5WM8
[mks_pullquote align= »left » width= »250″ size= »24″ bg_color= »#a0000a » txt_color= »#ffffff »] »There’s blood in the sun
There’s blood in the sun
But I’m not afraid
I cut myself with Heaven’s blade,
Inside the wound I found my wings
And walked away from this human skin,
I asked the earth to open up the sky
To get inside and live with me for life »[/mks_pullquote]Vient ensuite Heaven’s Blade qui fera office de morceau central à bien des égards. En premier lieu de par sa longueur, sa position dans l’album, puis parce qu’il permet de faire une césure avec ce qui a précédé en introduisant un hédonisme salvateur et surtout sous haute influence toxiques. C’est en effet le morceau le plus empreint de Love Secret Domain et l’époque Madchester sous amphets. On y entend une house complètement malade, infectée, lardée d’un leitmotiv musical, seule part humaine à laquelle on s’accroche (there’s blood in the sun), mais pour laquelle, paradoxalement, on finit par complètement s’abandonner, redoutable machine à danser. Le duo prouve ainsi qu’il maîtrise tous les codes de l’acid house et se paie le luxe d’y inclure des idées électro/ambient que reprendra plus tard Richard D. James. C’est également par ce titre que Backwards versera dans l’occulte et l’ésotérisme en ralentissant de façon significative la machine.
Le ralentissement commence dès CopaCaballa, suite logique de Heaven’s Blade dans la mesure où le groupe en prolonge l’ambiance festive et sous amphets. Néanmoins, comme l’exprime Balance, il y a quelque chose de pervers là-dedans (Something wicked this way come). Ou de résigné : CopaCaballa ressemble à ce moment où les acides commencent à ne plus faire effet, où l’euphorie disparaît pour laisser place à un dur retour à la réalité. Ce qui donne cette tonalité étrange au morceau, comme de l’indus en fin de course ou de l’acid house en pleine descente avec une mélancolie qui vous prend aux tripes. Les flashs sont encore présents mais plutôt que d’affronter le silence, angoissant au possible (i’m trying to strip the silence away), Balance préfère se tourner vers l’occultisme (I want to be a stranger/become a shape changer ou, plus loin, hurlé en forme de profession de foi : I up there with a hiss, that’s where all the magick is).
Il se poursuit avec le fascinant Paint Me As A Dead Soul dans lequel le groupe se rapproche des travaux de Nurse With Wound ou encore Current 93 et s’oriente de plus en plus vers une électro abstraite, expérimentale, progressive, avançant par motifs répétés, soutenu par la morgue de Balance, fascinante quand elle emplit l’espace en écho. Si les autres morceaux évoquaient plus ou moins l’occulte, la part sombre de Coil, Paint Me va quant à elle, plus loin puisque le texte déclamé par Balance s’inspire directement des confessions d’Alesteir Crowley, écrivain occultiste, astrologue et allumé notoire aux mœurs dissolues, connu pour avoir dilapidé la fortune parentale dans diverses drogues, voyages et écrit des ouvrages sur l’occultisme, notamment Thelema. Ici la musique épouse complètement le texte puis bifurque, une fois la lecture terminée, vers une ambient malsaine, flippante et cauchemardesque, comme une chute dans un puits sans fond, aux parois lissées par le suintement régulier de l’eau.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]l fallait bien ensuite un retour de flash pour contrer cette descente, un peu de solaire dans cette seconde partie. C’est chose faite avec Ayor, morceau concluant de façon abrupte et définitive la période LSD dans une ambiance industrielle, apocalyptique, expérimentale, faite de cris dans lequel Balance justifie les déviances d’ici et d’Ayor comme il peut (It’s in my blood). On remarquera, contrairement aux autres morceaux indus de Backwards, qu’Ayor n’a aucune progression, que sa house répétitive dévie jusqu’à la transe pour toucher du doigt ce qui s’apparente au chaos. Vertigineux.
Cet aparté mis de côté, retour vers le côté obscur ou douloureux de Coil avec A Cold Cell. S’il y a bien une perspective, un peu délaissée jusque là, sous laquelle appréhender la musique de Coil, c’est aussi par son aspect visuel. Ne pas oublier que Christopherson, en plus d’être un excellent musicien, est également un vidéaste de talent, utilisé par différents artistes pour illustrer leurs musiques (au hasard Ministry, Rage Against The Machine, Sepultura, The The, K’s Choice ou encore Paul MacCartney) et designer de pochettes (les Animals et le Wish You Were Here de Pink Floyd ainsi que les premiers Peter Gabriel lui sont crédités sous le collectif Hipgnosis). Véritable court-métrage mis en musique, A Cold Cell montre toute l’étendue du talent du duo pour tisser au travers de sa musique un canevas cinématographique très fort. A partir d’une supplique d’un condamné à mort Russe, A Cold Cell se révèle être une litanie poignante dans laquelle on visualise non seulement la cellule humide, glaciale, mais aussi la trajectoire du condamné dans le fourgon le menant vers l’échafaud. Très fort.
Presque aussi fort que Fire Of The Mind, conclusion tendue de Backwards. Chanson incantatoire, proche de la messe noire, elle synthétise remarquablement l’album, de par son aspect occulte (ses paroles restent toujours aussi nébuleuses : angels are mathematical/angels are bestial, man is the animal), sa musique intense et incandescente ; elle clôt également un cycle solaire par ce qui ressemble à une implosion (the blacker the sun/the darker the dawn) et ouvre de nouvelles perspectives vers une musique lunaire, plus spectrale et tendue. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la conclusion de Fire Of The Mind et l’introduction d’Are You Shivering ?, premier morceau de Musick To Play In The Dark, se répondent si bien : l’un semble être le prolongement direct de l’autre.
[mks_pullquote align= »left » width= »250″ size= »24″ bg_color= »#a0000a » txt_color= »#ffffff »] »Backwards élague, vire des arrangements, avec le recul, parfois inutiles, se recentre et finit par aller droit au but. »[/mks_pullquote][mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#490002″]B[/mks_dropcap]ref, pour tous ceux qui pensaient que Backwards était la sortie de trop pour Coil, sentait l’opportunisme à plein nez, navré d’avoir à vous le dire : c’est râpé. Au contraire, Backwards établit un pont indispensable entre Love’s Secret Domain et Musick To Play In The Dark et permet à l’oeuvre de Coil d’être d’une cohérence quasi sans failles, du moins pour les 90’s.
Et pour les autres qui se demandent quel intérêt il y a à posséder Backwards alors qu’ils ont déjà The Ape Of Naples et The New Backwards, c’est bien simple, tout y est différent. Fire Of The Mind, qui ouvre The Ape Of Naples conserve la même mélodie mais les arrangements y sont plus vaporeux sur The Ape…, Heaven’s Blade est bien plus intense sur Backwards, A Cold Cell plus émouvant, plus juste aussi. Et par rapport à The New Backwards, tout y est plus concis, plus intense (j’exempterai de cette description Backwards et Paint Me quasi-identiques à ceux présents ici), Backwards élague, vire des arrangements, avec le recul, parfois inutiles, se recentre et finit par aller droit au but.
Aussi, contrairement à ce que pouvaient craindre les fans de Coil, Backwards se révèle être indispensable, apportant une nouvelle pierre à un édifice qui devrait pouvoir enfin se tenir droit. Ce qui, avouons-le, n’est pas rien. Pour les autres, peut-être découvrirez-vous l’œuvre de Coil au travers cette chronique, ce que je vous souhaite ardemment, car celle-ci est immense et passionnante (l’oeuvre du groupe, pas la chronique). Quant à moi, après vous avoir accaparé un certain nombre de minutes, je vous laisse retourner à vos activités habituelles en m’excusant de nouveau et en espérant ne pas vous avoir trop gonflé. Promis, la prochaine chronique, je ferai plus court.
Sorti depuis le 27 novembre dernier chez Cold Spring Records et dispo chez tous les disquaires Brocéliandais férus d’occultisme de France.
Très belle chronique. Ayant découvert Coil par hasard, il y a quelques années, je ne peux que souscrire à l’avis ici défendu. Coil est un groupe majeur, qui bouleverse, interpelle, choque, énerve…
Ecoutez-le, mais mettez vous en condition pour le faire. Il en vaut la peine.
Super chronique d’un grand groupe