[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]ombo ou Combo Culture Kidnapper est un artiste de Street Art français. Son pseudonyme signifie « combinaison ». « On est tous par essence la symbiose de plusieurs choses. Sauf que moi, je le ressentais plus que les autres », confie-t-il. Né en 1987 à Amiens, il est le fils d’un père libanais chrétien et d’une mère marocaine musulmane. Dès 2003 Combo commence le Graffiti dans le sud de la France, entre en 2005 à l’École des Beaux Arts de la Villa Arson, puis déménage et s’installe à Paris en 2010 en tant que directeur artistique pour de nombreuses marques.
En avril 2012, à la date anniversaire de l’accident de la centrale de Fukushima, Combo fait parler de lui en s’introduisant dans la zone interdite de Tchernobyl pour y coller des affiches publicitaires de grands groupes d’énergie nucléaire. Un geste fort d’un artiste qui place l’engagement au coeur de sa démarche.
En janvier 2013 Combo marque son opposition aux censures politiques du régime chinois en recouvrant les rues de Hong Kong de pages interdites de Google. Thèmes abordés : les manifestations de la place Tian’anmen, l’arrestation de l’artiste Ai Weiwei, le Tibet. Il dénonce ainsi l’aveuglement des populations.
Autre fait marquant en mars 2014, lors des élections municipales en France, Combo lance différentes campagnes d’affiches et crée ainsi une guerre médiatique entre plusieurs personnages de dessins animés. Il reprend cette idée en mai lors d’une nouvelle exposition #Reload# et détourne le sens des images d’actualités en insérant des personnages de jeux vidéos ou de dessins animés.
Il a collé des dizaines d’affiches de son cru dans les rues de Paris et d’ailleurs. Il relève pour lui d’un devoir de vérité : redonner du sens aux milliers d’images qui nous submergent en y ajoutant un symbole connu qui en détourne la signification primaire. C’était étonnant d’assister à ce détournement citoyen et cela interrogeait notre rapport aux élus pour qui nous votons, et d’une certaine façon les renvoyant eux-mêmes à se remettre en question quand on voit leurs comportements souvent indignes de représenter la République.
Crédit photos ci-dessus : Combo
À l’automne 2014, Combo part au Liban et commence son projet #Dji’art# – mesurer et casser les « on dit » médiatiques en nous amenant à la réflexion. Depuis janvier 2015, afin de créer un lien de solidarité entre les religions, Combo reprend le slogan « Coexist », diffusé par l’artiste polonais Piotr Mlodozeniec utilisé alors en 2001, à Jérusalem, pour aborder le conflit israélo-palestinien.
Musulman, Combo ne l’est pourtant pas. Pas plus que juif ou chrétien d’ailleurs. Invoquant la Déclaration des droits de l’homme qui prône celui de pratiquer sa religion, il dit défendre les gens qui croient pour mieux préserver la non-croyance. Mais son appel à la coexistence pacifique n’est pas entendu par tout le monde. Le 30 janvier il est agressé, à Paris, alors qu’il terminait une oeuvre mêlant le symbole de chacune des religions monothéistes dans ce même mot « Coexist », oeuvre qui milite pour la paix…
Depuis un an il travaille à une nouvelle exposition autour de la conception de « Coexist » qui s’harmonise entre plusieurs identités. Le public vivra 3 manifestations en temps réel : dans un lieu qui sera son atelier du moment, dans la rue (regardez autour de vous !), et à l’Institut du Monde Arabe sous la présidence et parrainage de Jack Lang.
Et puis il y a eu les tueries du 13 novembre dernier à Paris, l’état d’urgence décrété le soir même des attentats interdit tout rassemblement, Combo ne veut pas laisser le champs libre à la peur, il lance un appel de résistance à ses abonnés sur Instagram: « Mes amis, parce qu’ils veulent arrêter de nous voir sortir, de sourire, de vivre, montrons-leur qu’ils ne peuvent pas nous en empêcher. Prenez-vous avec vos amis, vos proches, les gens que vous aimez, en train de trinquer, de jouer de la musique, de jouer au foot, de vivre tout simplement ! J’irai tous nous coller sur les murs de notre ville pour leur montrer que nous vivrons toujours debout et jamais à genoux. » Il investit la ville meurtrie avec ces silhouettes dessinées à taille humaine qui forment ainsi dans les rues de Paris une manifestation graphique silencieuse, mais digne et joyeuse.
Premier jour de cette nouvelle exposition le 7 janvier 2016, autre date symbolique un an après les attentats contre Charlie Hebdo et la grande marche Républicaine. Le street artist Combo se veut le vecteur d’une coexistence pacifique des religions et des cultures. En ces temps où le vivre ensemble est menacé, où le repli sur soi et la peur contaminent notre quotidien, où l’obscurantisme menace nos libertés, il est fondamental d’affirmer nos valeurs de fraternité.
Avec une cinquantaine d’oeuvres, l’IMA consacre une exposition inédite à l’artiste à travers trois grands chapitres : « Néo-classicisme », « Dji’art » et « Clichés ». Son regard, sa pensée et son trait évoluent constamment. Sa recherche artistique procède de ses choix intellectuels, Combo n’a de cesse de lutter contre le racisme, l’injustice et toutes formes de violences. Sa force c’est qu’il ne se limite pas à ça. Il pousse véritablement les citoyens à s’interroger sur les images qui nous assaillent en permanence.
On retrouve toute la singularité de l’artiste dans un mélange de formes, de matières, il emprunte des aphorismes de toutes parts, des grands poètes côtoient des peintres, son inspiration va des artistes de la culture populaire aux slogans de rue qu’il détourne positivement et souvent par un humour intelligent qui parle à tous ; ses références sont protéiformes, la peinture, la littérature, de Francis Bacon à Paul Éluard, on s’approche de la toile, on découvre les mots cachés qui mettent en lumière nos maux conscients ou inavoués, on sourit, on s’interroge, on déambule dans son univers d’une richesse et d’une ouverture aux autres et au monde rare. Combo fait sien tout ce qui l’a nourri depuis des années, sa culture, notre culture est multiple et infinie, et c’est ça qui en donne ce relief si savoureux, où tous les citoyens sont mis sur un pied d’égalité dans la richesse de ce que chacun peut donner, apporter. Ça fait du bien de voir le travail de cet artiste ! Vraiment ! Ça donne encore envie d’y croire.
Enfin il ne faudrait pas sous-estimer le talent du jeune homme car il y a aussi de grandes toiles, mélange de technique photo/peinture qui sont stupéfiantes de réalisme. Combo aborde là des sujets brûlants qui mettent à mal chaque jour nos consciences dans les médias. L’événement devient plus grand que les hommes, dépassés. Les hommes, femmes et enfants qui sont par exemple sur ces bateaux espérant gagner la rive d’une vie meilleure n’ont pas vocation à être migrants, cette appellation n’a pas lieu d’être, ce sont des réfugiés politiques.
Combo est un artiste inscrit dans le réel mais en tant qu’homme un citoyen engagé chez lequel on sent une vraie sincérité et une vraie nécessité – ce jour-là avait lieu un reportage tourné par France 3 et Combo a pris le temps de parler avec nous quelques minutes. Il porte l’espoir de la fraternité entre les hommes en dépassant tous les clivages religieux ou communautaires, pour mettre en valeur ce qui nous rassemble, la singularité de ce que nous avons en commun : notre humanité. Face à la peur, à la tentation du jugement de l’Autre qu’on ne connaît pas, à chacun d’entre nous de porter ces messages de paix, d’amour, dont le monde a besoin car au fond tous aspirons à vivre en paix avec ceux que nous aimons. Résistance !
COMBO – Culture Kidnapper : Coexist
Exposition Évènement à L‘Institut du Monde Arabe à Paris.
Du 7 janvier au 6 mars 2016
Crédits photos : Combo (sauf mention contraire)
Excellent article à tous points de vue. J’en lis beaucoup et j’en découvre rarement d’aussi profonds et surtout très bien écrits. Bravo Johann
Merci beaucoup pour ce retour ça fait plaisir !