[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#d1d1d1″]U[/mks_dropcap]ne immense sensation de calme et un grand plaisir de lecture pour ce premier roman de Laurine Roux, publié aux Editions du Sonneur. Un livre idéal pour l’été, tant il est prenant, enveloppant et nous emporte loin. Les pages se tournent irrésistiblement, renfermant un univers noir et étrange, sur fond d’apocalypse et de légendes slaves. L’écriture est belle, si vivante, toute de chair, de désir et d’amour…
Dans un temps indéfini, après une terrible guerre, une jeune fille nous raconte son histoire. Elle vient d’enterrer sa grand-mère et se retrouve seule. Elle décide de prendre la route et d’aller à la rencontre du monde, pour voir « s’il était possible qu’une route ne finisse jamais ». Elle rencontre alors Igor, un « être sauvage et magnétique ». Ils parcourront ensemble les montagnes enneigées et la taïga pour livrer du poisson à de vieilles femmes isolées. Ces « baba » sont les gardiennes de la vie d’avant le « Grand-Oubli » et le soir, leurs larmes et paroles libérées par la fumée de la graine de « karja », elles font renaître ce qui fut : l’amour, la folie, la fureur et les énormes « oiseaux de fer » qui, par le feu, ont ravagé les terres et anéanti les hommes…
En une centaine de pages bien menées, Laurine Roux nous emporte dans un univers de sensations mêlant la mort, la vie, la glace et le feu. Captivé.e.s, on frémit en écoutant les récits des grands-mères et on vibre en suivant la jeune fille qui, au contact d’Igor et de la nature, s’éveille aux sens, devient forte et entière :
« Partout dans mon corps mille particules soulèvent mes membres, et c’est à la fois de la peur et de la glace, du miel et de la lavande. Je comprends de moins en moins ce qui se passe, je sens seulement arriver, comme une lame de fond, un grand tremblement qui me saisit des pieds à la tête ».
Cette porosité au monde et ce charnel dans l’écriture font penser à Sylvie Germain. On retrouve la même lumière sauvage qui anime les êtres. Et les contes noirs des babas, emplis de forces telluriques et chamaniques, résonnent avec ceux que l’on entend dans les livres d’Antoine Volodine. Une parentèle qui m’a beaucoup séduite. Mais Laurine Roux a aussi – et surtout – sa voix toute personnelle, curieusement douce et rauque, qui provoque une délicieuse addiction : magique, elle se fait caresse, berceuse, empoignade et sortilège.
J’y ai succombé et vous invite vivement à faire le voyage.
En voici un extrait.
Pour connaître les origines de ce texte, vous pouvez lire cet entretien avec Laurine Roux dans le blog Le Off des Auteurs.
Et Laurine Roux a aussi un blog : Pattes de mouche et autres saletés