Déjà la quatrième parution de Jurica Pavičić aux éditions Agullo. Si L’eau rouge en 2021 m’avait passionné, La femme du deuxième étage m’avait un peu laissé sur ma faim. Il me restait il y a quelques jours à découvrir son recueil de nouvelles au titre alléchant : Le collectionneur de serpents et ce nouveau roman : Mater Dolorosa.
Pas de suspens, je me suis régalé. J’ai dévoré cette histoire très dure en quelques heures. Je me suis laissé porté par l’habileté de l’auteur à me balader, à me laisser croire que tel ou tel était le coupable.
Car Mater Dolorosa est un polar pur jus. Un roman policier qu’on ne lâche pas.
Une lycéenne est retrouvée morte, violée, étranglée dans une usine désaffectée près de Split.
L’enquête est confiée à l’expérimenté Tomas et à son jeune collègue, Zvone.
Zvone sera un des personnages que nous suivrons tout au long du roman. Il y aussi Katja, la mère aimante et ses enfants, Inès et Mario avec qui elle entretient des rapports conflictuels.
« Elle se lève et reprends le chemin de la maison. Tout en marchant, dans son quartier, elle pense à Ines, à ce fruit gâté, cette vipère qu’elle a nourrie dans son sein. elle joue les madames. Voilà ce qui se passes quand tu es corrompue par les livres, que toutes ces écoles te pourrissent. Katia voit bien comme Ines les regarde de haut, toujours à juger, comment elle lui jette des regards de reproche quand elle lui prépare ses toasts le matin… »
─ Jurica Pavičić, Mater Dolorosa
Jurica Pavičić va alterner les chapitres présentant le point de vue de Zvone, de Katja et d’Ines.
Chacun d’entre eux est dans une sorte de crise personnelle.
Zvone a de l’ambition mais il doit s’occuper de son père, malade.
Katja cherche un nouveau travail pour subvenir à ses besoins et surtout à ceux de son fils.
Enfin, Ines a pour amant le patron de l’hôtel dans lequel elle est réceptionniste.
Ce sont des vies cabossées. Jurica Pavičić nous les décrit précisément, revenant sur leur passé, les moments de bonheur évanouis.
C’est aussi un roman de société que nous offre l’auteur. Avec Split, une ville hors saison, les touristes sont partis, l’animation se meurt doucement. La guerre est encore présente dans les esprits. Les immeubles tiennent debout mais vieillissent sérieusement. La famille, au sens large, est très présente dans la vie des habitants. La religion tient une grande place et Jurica Pavičić ne se prive pas de la critiquer à travers le personnage d’un prêtre qui n’ose pas prendre ses responsabilités ou d’une soeur plus harpie que bienveillante. Katia, la mère, dévote, passera beaucoup de temps à prier et à chercher des excuses à son fils car l’histoire bascule quand, à la télévision, sont présentés des vêtements censés appartenir au meurtrier. Ines et sa mère reconnaissent instantanément qu’ils peuvent tout à fait voire certainement appartenir au frère, au fils.
Comment vont-elles réagir, que vont-elles faire ? C’est toute l’histoire de ce formidable roman.