[mks_pullquote align= »left » width= »630″ size= »16″ bg_color= »#f0f2cf » txt_color= »#000000″] En cette période de préparatifs des fêtes de fin d’année, nous vous proposons, comme l’année dernière, de retrouver nos conseils de cadeaux de Noël ! Et parce que la littérature n’a pas d’âge il sera question ici d’ouvrages de tout temps !
Retrouvez l’ensemble de nos conseils ici [/mks_pullquote]
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]a passion. C’est rare quand elle déborde des pages pour titiller vos souvenirs, de ces fois où vous avez basculé dans cette forme de démence où tout ce que vous croyiez savoir sur vous s’évanouit. Où l’amour et le désir se répandent dans vos veines comme du poison ou de l’acide. Regarder la passion amoureuse en face, c’est souligner ce cataclysme intime, cette tempête qui vous dépouille de tout ce que vous n’êtes pas, de tous les écrans que vous avez appris à coller entre vous et le monde, le regard des autres. ça renvoie à l’instinct premier, au désir qui, lorsqu’il advient n’a plus besoin de civilisation et à peine de mots. On s’y abandonne.
Quand l’amour est passé, on se demande bien comment on fait pour redevenir soi, pour recoller les morceaux. Puisqu’il a tout balayé, jusqu’à votre âme et toutes vos certitudes.
En ouvrant le roman d’Adeline Fleury, Je, tu, elle, paru aux éditions François Bourin, on a le sentiment d’accéder à cette mémoire sensorielle complexe et multiple, près de cette femme accroupie les mains plongées dans le sable normand, tentant d’oublier sa fièvre, d’endormir sa douleur, son désir et sa liaison qui tourne mal. Elle est la première voix de l’histoire, le « je ». L’écriture est sensuelle, intense. Elle vous saisit à la gorge et au ventre.
Ça parle des peaux et des soupirs dont on n’est jamais rassasiés, ça parle de l’érotisme de cet amant que l’héroïne aime trop fort. Ça parle de tout ce qui consume dans les silences. Ça parle de cette démence qui ne s’apaise que dans l’étreinte. Ça parle d’amour mais pas comme les niaiseries habituelles qui le rendent inoffensif et sans risques. L’amour n’est pas une évidence de conte de fées. On peut y laisser toutes ses plumes, on peut ne jamais s’en remettre, on peut avoir besoin d’improbables sorcières pour l’exorciser.
Le » tu », c’est lui. Le vampirisé par l’amoureuse, incapable de lui résister, et peu à peu effrayé par l’incroyable passion dont il est l’objet. La grandeur du roman d’Adeline Fleury est de doucement basculer dans l’étrange, dans une dimension en lisière du réel et du fantastique quand les sentiments lui donnent une allure de fantasme ou de cauchemar. Adeline Fleury évolue vers une intrigue beaucoup plus riche qu’on ne s’y attendait, du trouble du désir aux frontières de la démence et de l’extraordinaire à la Edgar Allan Poe.
La troisième voix c’est « elle », la femme légitime de cet homme, raisonnable et qui veut le préserver, le sauver de cette emprise, de cette liaison toxique qui semble tout lui prendre. Adeline Fleury écrit la sensualité, le sexe comme il est rarement écrit, profondément juste, assumé et troublant, sans se défausser sur de pudibondes métaphores. Le feu d’une passion devient perdition. On a devant les yeux un esprit en train de se perdre dans ses méandres et dans la douleur d’une histoire qui finit.
L’auteure part de cette souffrance qu’on connait tous, le vacarme assourdissant que fait un amour qui tourne mal. Lui risque d’ailleurs la surdité alors qu’il est musicien. Et puis tout évolue, tout se transforme doucement et sans qu’on s’en aperçoive, le roman change de nature. Jusqu’à l’inattendu, jusqu’à ce que tout s’éclaire de sa structure et de ses voix singulières. C’est un tour de force, plein d’ardeur, de passion, et d’audace. Une introspection sensuelle, inventive et tourmentée.