[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]e tome 1 nous avait fait découvrir une créatrice de trolls, une actrice terrifiante et 13 autres femmes ne faisant que ce qu’elles veulent. Ce nouvel opus de Pénélope Bagieu s’intéresse à 15 autres parcours de femmes, qui ont toutes en commun d’avoir défié la société, leur milieu, leurs conventions. Quant au trait de dessin, il est toujours aussi fin, dans tous les sens du terme.
Pierre Bellemare et ses histoires extraordinaires peuvent aller se recoucher ! Les destins de ces 15 femmes qui ne font que ce qu’elles veulent nous emballent, nous surprennent, nous horrifient, nous émerveillent.
Quelques-uns de ces destins hors-norme sont connus mais ils se laissent redécouvrir avec bonheur, comme celui de Bette Davis, auteure-compositrice de génie, ou de Katia Krafft qui, avant d’être l’épouse de son éminent mari Maurice, fut une volcanologue de renom. Enfant, je me souviens avoir été bercé par la lecture d’un ouvrage dédicacé par ces deux amoureux de la lave et autres coulées pyroclastiques. Leur fascination commune pour les volcans n’avait d’égale que son souhait à elle de vulgariser ses innombrables connaissances sur le sujet, au risque de laisser croire qu’une femme pouvait exercer « un métier d’homme » : ce dont elle ne s’est pas privé. Il ne manquerait plus que ça !
Il faut lire aussi le récit tout en finesse et en image sur Peggy Guggenheim, amoureuse des hommes et de l’art avant tout. Femme de caractère et Vénitienne de cœur, elle n’a fait, au cours de sa vie, que ce qu’elle voulait, ou presque. A vrai dire, ce « ou presque » a toute son importance ! Car des bâtons dans les roues, nombre de mecs et de mauvais coucheurs lui en ont mis. C’est aussi ce qu’a vécu Jesselyn Radack, avocate. Et Mae Jamison, astronaute. Et tant d’autres. Alors la capacité de ces femmes à oser et à faire feu de tout bois, c’est ce qui fait notre admiration, au fil de la lecture de cet ouvrage instructif, par ailleurs savamment mis en scène.
En effet, les 168 pages de cette bande-dessinée, sortie il y a déjà un an chez Gallimard, offrent un dessin expressif et contemporain, ancré dans notre époque, où l’histoire de ces femmes prend pied. Entre chaque récit, Pénélope Bagieu (« la Page Blanche », avec Boulet chez Delcourt) nous propose une double page de respiration, avec couleurs chatoyantes et graphisme quasi pictural. Une sorte d’invitation à prendre le temps de méditer sur les pages qui précèdent. Et il y a de quoi.
Ainsi, l’histoire la plus marquante sur l‘échelle de l’horreur de la condition féminine est assurément celle de Phulan Devi, reine des bandits, mariée de force à 10 ans, violée à maintes reprises, humiliée, traquée, emprisonnée, puis finalement élue au Parlement indien avant d’être assassinée à l’âge de 38 ans. Son parcours suscite l’effroi et l’admiration. De ces années que Phulan Devi a passé à voler aux riches pour redonner aux pauvres et de cette lutte menée contre l’obscurantisme, Pénélope Bagieu tire le portrait terrible d’une domination masculine traditionnelle et abjecte. Pour autant, l’humour est là, disséminé par petites touches, servant le propos avec intelligence.
Alors, à quand le tome 3 ? Ellen MacArthur, Mona Ozouf, Andrée Chédid, Sophie Germain, Rosa Parks, Olympes de Gouges… Il y aurait tant encore à écrire et à dessiner. Au nom des femmes, de toutes celles qui ne font que ce qu’elles veulent. C’est bien pour cela d’ailleurs que Pénélope Bagieu fera bien ce qu’elle veut !
Feuilletez le livre :