[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]ntelligences artificielles, Miroirs de nos vies : voilà une bande dessinée ancrée dans l’air du temps. L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) ne vient-elle pas d’annoncer que la robotisation devrait faire disparaître 14 % des emplois d’ici à 20 ans ? Du reste, la France serait un peu plus exposée que la moyenne, avec plus de 16 % de postes concernés… S’appuyant sur cette étude, «à quoi ressembleront nos emplois dans quelques décennies ?», s’interroge de son côté le quotidien Le Monde dans son édition du 25 avril dernier. Autant de projections et de questions que la machine Yurie, « personnage » central de Intelligences artificielles et doté d’un cerveau en forme de calculateur, incarne à merveille. Mais faut-il s’en réjouir ?
Elle chante et elle slame. Sur la base de multiples écrits laissés sur les réseaux sociaux par un homme aujourd’hui décédé, elle pourrait s’exprimer nuit et jour à sa place et lui redonner vie, donnant ainsi l’illusion de pouvoir être mère de toutes les consolations. Elle dit aussi que «l’amour, c’est des patates». Ayant mémorisé toute la littérature d’avant 1950, elle peut se révéler sexiste, voire carrément raciste… Elle, c’est Yurie. Si son prénom et ses réponses tendent à l’humaniser, elle ne pense pourtant pas. Elle n’a pas d’âme, pas d’émotions. C’est une intelligence artificielle, avec « une architecture d’auto-encoder en LSTM » !
C’est toute l’ambivalence de ce personnage que FibreTigre (créateur jeux vidéo, chroniqueur pour un podcast de culture mathématique…), Héloïse Chochois (autrice et dessinatrice au service des sciences) et Arnorld Zéphir (concepteur d’IA) ont voulu restituer dans Intelligences artificielles. Une initiative passionnante, d’autant qu’elle nourrit tout autant notre connaissance de ce qu’est une IA, que notre réflexion sur le bien-fondé de tels développements. Le propos est en effet très didactique sans être ronflant et pose des questions essentielles auxquelles de premières réponses sont apportées.
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Ainsi donc, les concepteurs de Yurie n’y vont pas par quatre chemins : s’adressant à des employés qui craignent que les IA ne viennent leur piquer leur boulot, ils ne leur disent pas le contraire ! Mais ils «prêchent» pour une évolution des métiers : avocat, Marcus pourrait devenir «responsable éthique», tandis que Justine ne serait plus traductrice mais «garante culturelle de l’interprétation». Les choix politiques s’invitent même sur le devant de la scène dessinée, avec une référence à la proposition de Benoît Hamon, alors candidat à l’élection présidentielle française, de taxer les robots et de mettre en place un revenu universel de base…
Entre l’anxiété des uns et la conviction des autres que le progrès technologique est possible, Intelligences artificielles traite d’une ligne de partage pas évidente, illustrée de manière simple et plaisante. C’est efficace et cela augure de beaux débats à venir.
Intelligences artificielles. Miroirs de nos vies par FibreTigre, Arnorld Zéphir, illustrations de Héloïse Chochois
Paru aux éditions Delcourt, mars 2019.