[dropcap]L[/dropcap]es mystères de famille, les secrets des origines sont des sujets en or pour l’auteur de romans noirs. Nos secrets jamais en constitue une preuve de plus. Dans son nouveau roman, Cyril Herry fait mouche en touchant nos points les plus sensibles, ceux de la mémoire et de l’enfance. Son héroïne s’appelle Élona, elle est photographe, elle aime particulièrement les portraits qui vont au fond des êtres. Elle se retrouve héritière d’une maison de famille occupée jusqu’à sa mort par sa grand-mère Magdalène Cendrot, qu’elle croyait décédée depuis longtemps… Au cœur d’une petite ville de province – Cyril Herry confie qu’il s’est inspiré de la commune de La Croisille-sur-Briance, dans la Haute-Vienne -, la maison occupe une place cruciale puisqu’une partie du bâtiment a longtemps abrité le Café du centre. Dans une des dépendances de la maison vit Émile Bloch, qui habite là depuis sa plus tendre enfance. Émile Bloch est inquiet : que va faire Élona ? Vendre la propriété, le forcer à partir ? Partir où, grands dieux, il a toujours vécu là … C’est dire que notre homme se montre hostile envers sa nouvelle voisine, peu enclin à répondre à ses questions.
Des questions, Élona n’a que ça. Et les réponses qu’elle va finir par obtenir vont bouleverser sa vie. À part son père très âgé, qui en sait probablement plus qu’il ne dit, elle n’a plus de famille. Et celle qu’elle avait – sa mère, en l’occurrence – a pris bien soin de lui cacher tout ce qu’elle pouvait sur ses origines. À tel point que lorsqu’elle arrive, on commence par la prendre pour une usurpatrice, surtout lorsqu’elle évoque le suicide de sa mère Rose, onze ans auparavant, en 2008. Car au cimetière, la pierre tombale indique que Rose est morte en 1982. Un an avant la naissance d’Élona. « Elle est enterrée ici, je te dis. Ça ment pas une tombe », lui rétorque un Émile Bloch hostile… Eh bien si, cette tombe-là est une menteuse. La jeune femme s’installe dans la maison de sa grand-mère, en prend possession très progressivement, s’habitue, jour après jour, aux grattements dans les murs, au chat qui surgit de nulle part, aux tunnels secrets qui réunissent les bâtiments et qui expliquent l’apparition de l’animal. Elle fouille les tiroirs, les armoires, explore les monceaux de vieux vêtements. Elle prend ses marques au café du village, où Annie, la « femme platine », accueille tout ce que le village compte de vieux solitaires. Annie, la seule qui réserve un accueil chaleureux à cette étrangère venue semer la perturbation dans cette petite communauté aussi fermée que mutique.
« Oublie le passé » (…). Mais Élona n’avait eu aucune peine à exaucer le vœu, puisqu’il n’y a rien à oublier à compter du moment où l’on ignore tout, ou presque. »
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Chaque soir, Élona enregistre sur son dictaphone tout ce qu’elle a appris dans la journée, prend des notes sur son petit carnet. Et l’histoire – les histoires – qui prennent forme sont tout simplement bouleversantes. Élona multiplie les rencontres, qui sont autant d’images et de souvenirs. Des êtres singuliers, comme ce cinéphile aux 518 westerns. De vieilles photos floues, des affaires d’adolescente laissées par sa mère. Et enfin, enfin, les albums de photos… À partir de ces pistes multiples et déconcertantes, elle va bientôt voir se dessiner les vérités qu’elle recherche, et trouver son chemin jusqu’au château…
Dans son précédent roman, Scalp (voir chronique ici), Cyril Herry nous emmenait à la rencontre d’un petit garçon et de sa mère. Avec Nos secrets jamais, il se penche avec la même intelligence et la même pudeur sur de douloureux destins de femmes, d’épouvantables trahisons humaines. Le personnage d’Élona est une exploratrice d’elle-même et des femmes de son passé, mais Cyril Herry ne joue pas avec sa création, elle est bien davantage qu’un moteur pour l’histoire. Au fil des pages, on la voit changer, grandir et résister comme une véritable guerrière aux coups de boutoir que lui assène le passé. Elle qui n’a jamais connu le village où elle vient d’arriver, se fraie son chemin, trébuche, se relève, continue sa quête dans ce lieu qu’elle finit par apprivoiser à sa manière… La force du personnage est sans doute l’atout maître de ce roman : on s’attache à elle dès les premières pages, et il n’est pas question de l’abandonner à son sort… Une écriture à la fois sobre et précise, une héroïne originale et attachante, une histoire aussi émouvante que complexe : cette fois encore, Cyril Herry nous touche au cœur.
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Nos secrets jamais de Cyril Herry
Le Seuil, collection « Cadre noir », février 2020
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Image de couverture : Wikimedia Commons photo de Michael Clarke Stuff