[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]T[/mks_dropcap]u t’en souviens peut-être, j’ai pleuré de joie quand nous avons appris que le prix Nobel de littérature était attribué à Tomas Tranströmer. Avec le recul, je n’arrive pas vraiment à comprendre cette émotion soudaine. Il y avait sans doute le fait que depuis que je regarde de près l’attribution de ce prix, les auteurs primés m’étaient tous pour le moins indifférents ou en tout cas ne faisaient pas (encore) partie de mon panthéon, donc je n’avais pas de joie particulière, de la curiosité peut-être. Mes larmes étaient peut-être liées au fait qu’un poète était récompensé et que des milliers de lecteurs allaient se procurer ses vers, et peut-être grâce à cela se rappeler que la poésie était une chose importante. J’aimerais savoir si après ce prix, certains ont (re)pris le goût à la poésie. Tranströmer, tu me l’as fait découvrir quelques temps avant et j’ai immédiatement compris l’importance de son oeuvre et la place qu’il allait prendre dans ma vie. Il y a chez lui quelque chose de très minéral. Lire ses textes donne l’impression de toucher un rocher immuable, hors du temps et protégé de toute érosion ou disparition. Qu’ils soient courts ou longs, en vers ou en prose, les poèmes de Tranströmer ont quelque chose du haïku (genre auquel il s’adonnera vers la fin de sa vie) dans le sens où en peu de mots, ils créent une ouverture sur le monde, ils englobent tout ce qui les entoure. Un poème de Tranströmer est un brassage d’infiniment grand dans l’infini petit.
Je crois avoir versé une larme, aussi, quand j’ai appris sa disparition.
Puisqu’à l’heure actuelle, il est beaucoup question de café, et que je t’en parlais hier, reprenons-en un :
Le poème grandit et prend la place du poète ? Oui. Nous en parlions il y a quelques jours à propos de Brautigan, lorsque le geste d’écriture est lancé, il se peut qu’une force repousse l’auteur hors du texte qui prend de l’ampleur de façon spontanée. Il faut croire en cela, c’est important.
Un peu dans la continuité du précédent. Le moment d’absence lors du rasage du matin. Certains s’imaginent président de la république, d’autres, plus modestement, partent dans un voyage en hélicoptère.
Pour terminer, ce poème est celui dont j’ai cité une partie dans La Colline à la montagne, en exergue du chapitre 4. Il m’a, en quelque sorte, indiqué le chemin à prendre.
Je ne sais pour quelle raison, la musique qui me vient à propos de Tranströmer est celle de Cascadeur. Peut-être pour la rime, tout simplement, à toi de me dire si tu trouves un lien.
À demain.
Baltiques (Œuvres complètes 1954 – 2004), de Tomas Tranströmer, traduit du suédois par Jacques Outin, paru en Poésie / Gallimard.