I
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]T[/mks_dropcap]u croyais m’offrir un livre
C’est la vie que tu m’as donnée.
Nos âmes adolescentes soumises au chaos
Charmés, acharnés, tombeau d’une enfance
innocente des choses dit-on de l’amour
où s’entrelacent oui les mains oui les bras oui les bouches
et les roses et les coquelicots.
Qu’as-tu fait de moi quand dans mes cheveux
tu as déposé un frisson, épicentre d’un séisme
qui m’agite encore treize ans plus tard
secoue mes sens secoue mon âme et m’attache m’harnache
solidement à ce besoin de poésie.
Je t’aimais, je t’aimais, je t’aimais tant
que tu m’as scindé en deux,
je ne pouvais supporter seul cette charge électrique
aux impulsions frénétiques.
Tu m’as coupé en deux et je t’ai donné mon âme
pensant qu’elle était plus noble plus belle que
mon corps adolescent à la puberté timide et désavantageuse.
Tu m’aimais tant que tu voulais les deux
mais c’est mon esprit que tu as grandis
laissant la charge à d’autres d’ériger mon corps.
Corps de loup.
De loulou.
Lou.
II
Il y a toujours Apollinaire à mes côtés
Il y a ta vie qui s’abîme
Il y a bien trop de rêves qui s’effondrent
Il y a des années que nous n’avons pas vu nos corps nus
Il y a des regrets bien sûr mais aucun remord ni amertume
Il y a toute cette poésie que tu m’as donné à lire
Il y a tous les encouragements, les Vas-y ! Fais-le ! Deviens ! Sois !
Il y a donc les poèmes que j’ai écrits, les livres que j’ai publiés, et ta fierté
Il y avait une muse une Lou et il a fallu faire sans
Il y a l’amour un jour l’amour toujours
III
Ô ton corps tes seins ton cul ta bouche
Que donnerais-je pour y revenir
Être devant toi que tu me touches
De haut en bas oui jusqu’à venir
Continuer que sais-je sous la douche
Frotter mousser se dresse un menhir
Les gestes répétés toujours pétrir
Si près de toi sans lunettes je louche.
J’ai cette chance t’es pas farouche
Tu supplies même que je t’enfourche
À ce rythme à deux doigts de périr
Je m’enfuis je préfère aller lire
Cette vie entière assis sur ma pierre, j’aurais dû la passer dans tes bras. Je le dis à toi, mais c’est un peu valable pour tout le monde, tu ne trouves pas ? J’imagine très bien une vie consacrée uniquement à prendre les gens qu’on aime dans nos bras. Et rien d’autre. Ou bien on se ferait chier. Je ne sais pas. Tu me diras.
À demain.
Poèmes à Lou, de Guillaume Apollinaire, Poésie / Gallimard.