[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#b07a1e »]I[/mks_dropcap]l fait partie de la scène musicale irlandaise depuis plus de vingt ans mais le nom de David Kitt ne vous dit certainement rien. En dix-huit ans, l’homme a pourtant déjà sorti sept albums mais ces derniers n’ont rencontré qu’un succès d’alcôve.
Plutôt que d’abandonner la musique, l’Irlandais a choisi de survivre en mettant sa carrière solo et ses compostions personnelles entre parenthèse quelques années et de travailler pour les autres. Il a ainsi tourné avec Tindersticks et David Gray, remixé des artistes comme The XX, et produit des musiciens, des shows radio et des DJ sets aussi éclectiques que bizarres.
Visiblement, et pour notre plus grand plaisir, le démon de la création a fini par le rattraper car cette année, l’artiste nous gratifie d’un nouvel opus intitulé Yous qu’il serait dommage de garder pour soi et taire, tant ce retour est une belle réussite.
Malgré l’aspect simple et dépouillé du disque, David Kitt a pris le temps de composer Yous dans le désir d‘arriver à un résultat longuement maturé et maitrisé : Il n’y a eu aucune pression avec cet album. Ni label, ni manager, ni supervision de qui que ce soit. J’étais heureux de juste attendre le temps nécessaire pour avoir les dix chansons parfaites.
Sans doute échaudé par ses expériences antérieures décevantes, il ne souhaitait même pas particulièrement diffuser son œuvre.
L’objectif était de le sortir discrètement sur Bandcamp, et de faire presser quelques vinyles, mais une fois terminé, finalisé, j’ai senti que cet album était spécial et, pour la première fois depuis longtemps, tous mes amis s’accordaient à dire que c’était la chose que j’avais faite qu’ils préféraient. Alors je l’ai fait écouter à Olan, du label All City, et il m’a convaincu de le sortir officiellement.
Ces années de disette semblent avoir permis à l’artiste de se recentrer et de retrouver une épure ainsi qu’une profondeur dans ses compositions immersives très réussies.
L’instrumentation est ici réduite au minimum, la guitare de David Kitt, quelques beats électroniques et le violon lyrique de Margie Lewis qui se charge aussi des chœurs, le tout porté par la voix profonde et imperturbable de l’artiste. Une grande partie de l’album a été réalisée chez lui à Dublin dans un « tout petit grenier », même si son vieil ami et collaborateur Karl Odlum y a participé.
Mes désirs d’électronique, je les ai assouvis avec New Jackson, alors je voulais ici laisser la place à toute l’orchestration live, et avoir un fond le plus simple possible, laisser chaque élément respirer, exister, se faire entendre, et garder une forte personnalité. »
Dublin, la campagne alentour, ses habitants sont le décor du disque et confèrent à l’album une ambiance de récit de voyage.
Dès les premières notes de Still Don’t Know, on est propulsé dans une ambiance de lande verte et humide. Ainsi Made It Mine s’interroge sur la notion d’identité irlandaise, The Taste Of Without s’attaque au crash financier qui a fait souffrir le pays et à la période de récession qui a suivi. Like Lightning traite quant à elle d’une nuit d’aventures après avoir raté un bus pour quitter Galway, sur la côte ouest.
La douceur et le dénuement qui parcourent le disque laissent parfois place à un groove subtil et séduisant, comme sur Cling Film et son rythme captivant, une chanson qui compare le fait de tomber sous le charme d’une personne à la sensation d’être lentement enveloppé dans des couches de pellicule plastique au point où vous ne pouvez rien faire du tout.
L’album se termine sur la remarquable Songs Of Two Birds, dont le début nous rappelle le goût pour l’électronique de l’artiste et qui bien loin d’être une conclusion semble au contraire ouvrir le disque vers un ailleurs, ses 6 minutes nous emmenant très haut et très loin.
There Will Always Be This Love nous chante de manière poignante David Kitt. Espérons que son amour pour la musique ne le quittera jamais car Yous est une perle secrète à l’éclat subtil, une invitation précieuse à partir, en Irlande mais aussi au plus profond de nous-mêmes.