Unknown Pleasures, c’est d’abord cette pochette devenue culte avec le temps. Créée par Peter Saville, alors directeur artistique de Factory Records, elle représente l’enregistrement de l’onde d’un pulsar, trouvé par le groupe Joy Division dans une encyclopédie d’astronomie. Le dessin blanc sur fond noir est énigmatique et renvoie au titre de l’album. Que voit exactement la personne qui tient le disque entre ses mains ? À elle seule d’en décider. Autre étrangeté, les noms du groupe et l’album ne figurent pas sur la pochette. Un avant-goût de la radicalité contenue dans les 10 titres du disque.
À la fin des années 70, les quatre mancuniens de Warsaw ne se reconnaissent plus dans le punk, mouvement phare qui exprime alors les désillusions d’une jeunesse déçue par le non avènement du monde meilleur prôné par leurs aînés. Manchester se transforme et pris dans l’étau de son industrialisation croissante, les futurs Joy Division se radicalisent et cherchent un son nouveau. Au No Future, ils répondent No Life tout court.
Le 14 avril 1978, le groupe se produit au Rafters, un club de Manchester. Dernier des 17 groupes programmés ce soir-là, ils font une forte impression sur Rob Gretton, leur futur manager, et Tony Wilson de Granada TV, alors présentateur de l’émission musicale So It Goes et cofondateur du label Factory Records qui n’en est alors qu’à ses balbutiements.
Un an plus tard, Joy Division enregistre Unknown Pleasures, leur premier album et première signature du catalogue de Factory Records. Le disque est produit par le fantaisiste et avant-gardiste Martin Hannett. Le savant fou utilise des méthodes peu orthodoxes et crée sur Unknown Pleasures un son industriel radical et novateur qui fera la renommée du disque, post-punk et précurseur de la cold wave.
Hannett bouscule les méthodes de jeu du groupe qui ne comprend par toujours ce que le producteur veut, mais s’exécute sans poser de questions. Il rajoute ainsi le bruit d’un vieil ascenseur sur Insight ou d’éclats de verre sur I Remember Nothing, incorpore des effets de réverbération, des boucles, le delay qui décale un son dans le temps. Il met en avant la voix sépulcrale du fantomatique Ian Curtis qui psalmodie des paroles désespérées. Unknown Pleasures semble enregistré dans une crypte humide et glaciale, retirée du monde.
À l’écoute du disque, le groupe est mitigé, ne se retrouvant pas forcément sur la tonalité macabre et froide voulue par Hannett, loin du son agressif punk qu’ils proposent en concert. Fort heureusement pour eux, car c’est bien cette couleur unique qui fera leur renommée, le disque sort en l’état le 15 juin 1979.
Il est accueilli par de bonnes critiques et permet au groupe de passer à la radio et à la télévision, puis de se lancer dans une tournée européenne qui fragilisera davantage Ian Curtis, en proie à des crises d’épilepsie régulières et des pensées mortifères.
Celui-ci se donnera la mort le 18 mai 1980, quelques jours avant le début de leur première tournée américaine. Closer, leur deuxième album, enregistré au mois de mars et produit à nouveau par Martin Hannett, sortira en juillet. Ce sera le dernier album du groupe, dont les membres survivants poursuivront sous le nom de New Order.
Quarante cinq ans après, Unknown Pleasures saisit toujours par sa radicalité, sa froideur et la noirceur de ses textes. Une écoute indispensable !