Le sujet du film de Christian Schwochow est fort. Nelly (Jördis Triebel) fuit la RDA avec son jeune fils, dans l’espoir de recommencer sa vie à l’Ouest. Ils se retrouvent coincés dans un camp d’accueil, confrontés à une bureaucratie menaçante, proche de celle qu’ils pensaient avoir laissée derrière eux. Ce pitch en huit clos justifie une caméra proche et tremblante, se faufilant avec Nelly dans les labyrinthes de ce centre d’accueil peu accueillant de Marienfelde. Le titre français du film, de l’autre côté du mur, a ceci d’intelligent qu’il ne précise pas de quel côté on se situe. Or l’ambiguité de cette position est justement la proposition intéressante de ce film. Géographiquement, avec ses parfaits plans d’ensemble ponctuant les plans serrés, le pari est réussi.
Jördis Triebel a un visage aux expressions captivantes et mérite bien son césar. Le regard de son fils (Tristan Göbel), le tremblement de Hans (Alexander Sheer) et le sourire de John Burd (Jacky Ido) sont touchants. Voilà des acteurs qui s’en sortent très bien dans un univers qui pourtant ne les y aide pas beaucoup. Car le film est un système fermé sur lui-même où l’on manque souvent d’air. Les émotions sont préfabriquées : un peu de musique et quelques roulades dans l’herbe automnale sont sensés nous toucher. La progression narrative est balisée de retournements dramatiques trop prévisibles et atteint une résolution finale des plus médiocres.
Certains critiques ne connaissant rien au documentaire parlent de « réalisme documentaire », terme erroné mais dont on comprend l’emploi (allez, un p’tit effort) tant la réalité historique est ici scrupuleusement respectée et validée par les historiens. Mais dans ce souci de reconstituer fidèlement le camp de transit de Marienfelde, pourquoi trouve-t-on des incohérences aussi importantes que les cheveux de Nelly, fausse blonde très dégradée et l’accent français du soit-disant agent secret américain ? On pourrait dire que ce sont des détails, mais ses cheveux, on les voit beaucoup (très belle broche, d’ailleurs) et les Allemands savent tout aussi bien que nous distinguer l’accent français de l’américain. Chaque détail importe pour expliquer pourquoi tout cela sonne faux alors qu’il y a dans ce sujet tant de vérité.
Et parfois, la magie opère. Un petit espace de liberté et le film décolle dans quelques émotions fragiles, que Jördis Triebel réussit à voler dans la complexité de son jeu et dans la force de son regard, qu’on devine aussi fort que fragile.