[dropcap]L[/dropcap]e fait d’avoir récemment basculé en 2021 ne doit en aucun cas nous empêcher de revenir sur des titres parus durant cette étrange et déstabilisante année 2020 qui ne fut paradoxalement pas avare en bons titres. Celui auquel on s’intéresse aujourd’hui est un premier roman et, de son auteur, on saura seulement qu’il est né, vit et travaille en Corse, indications suffisantes pour mesurer l’importance du décor dans le texte qu’il livre ici.
S’il démarre à Bastia en 1954 par la voix du jeune Joseph, le roman de Jean-Marc Graziani alterne au fil des pages époques et narrateurs dont les récits vont s’entremêler pour mieux se compléter. Lorsque Joseph, l’année de ses douze ans, entend pour la première fois une voix dans sa tête, alors qu’il explore le grenier de l’appartement familial, au milieu des reliques laissées par les anciens locataires, il se croit un instant devenu fou et refuse d’écouter l’injonction qui lui est faite. Mais la scène se répète et le garçon finit par admettre qu’il possède un don et qu’ils sont peu nombreux, ceux à qui ce pouvoir est donné. Seule Mammo, son arrière grand-mère maternelle devine le secret de Joseph et va essayer de l’aider à maîtriser cette étrange faculté d’entendre les voix des morts.
Ça peut être beaucoup de choses, un jardin : un penchant qu’on assume, une personnalité, un don … Mais, si c’est un don, plus il sera fort, plus il aura tendance à te couper du monde, à t’enfermer en lui comme la lampe d’un mauvais génie. Un don, c’est un jardin fantastique mais qu’on arpente seul, où l’on aime à se réfugier mais d’où sortir devient presque impossible tant, depuis l’intérieur, le monde ressemble à un vaste roncier ».Jean-Marc Graziani
Dans une famille où demeurent de nombreux secrets, cette capacité à percevoir le murmure des disparus pourrait rapidement prendre l’allure d’une malédiction mais, guidé, porté par Mammo, Joseph fera de son don la clé de la découverte du passé familial. En donnant par moments voix aux disparus, Jean-Marc Graziani étoffe son récit, au risque de dérouter son lecteur en mêlant les époques et les narrateurs mais il parvient à garder notre attention captive par la force de ses évocations.
Partant du récit familial, Jean-Marc Graziani élargit progressivement le tableau et ancre son récit dans l’Histoire, lui donnant ainsi un souffle supplémentaire en passant de l’intime à l’universel. Il sera ici question d’amour et de guerres, de secrets et de trahisons, de famille et d’amitié, à travers de très beaux portraits de femmes aussi fortes qu’émouvantes. De nos ombres est un texte étonnamment dense pour ses 190 pages mais sa lecture reste fluide grâce à la plume élégante de Jean-Marc Graziani qui a su trouver sa (ses) voix dans ce premier roman remarquable. Cerise sur le gâteau, on lui doit également la superbe photo de couverture, confirmant ainsi brillamment l’adage « on n’est jamais si bien servi que par soi-même ».
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De nos ombres de Jean-Marc Graziani
Editions Joëlle Losfeld, septembre 2020
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Image bandeau : Photo by Stefano Pollio on Unsplash