[mks_dropcap style= »letter » size= »83″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]e l’utilité de ne pas lire la quatrième de couverture ! Du nouveau livre de Vincent Message, je ne savais pas grand chose avant de le commencer. Tout juste une histoire de papiers d’identité dont on a besoin alors qu’ils n’existent pas et d’accident, d’hôpital.
Bien m’a pris de ne pas chercher à en savoir plus. La surprise a été totale et la lecture, les découvertes, au fur et à mesure de l’histoire, formidables.
J’ai adoré ce livre qui m’a saisi du début à la fin. Je l’ai tellement aimé qu’une fois refermé, je n’ai plus eu que l’envie de me plonger à nouveau dedans.
La deuxième lecture a confirmé le plaisir. J’y ai vu des choses ratées la première fois, l’effroi restait présent malgré l’absence de surprise.
Un grand roman de cette année, voire plus. Le temps le dira.
Plusieurs degrés de lecture peuvent se croiser dans Défaites des maîtres et possesseurs.
Un roman d’anticipation, un roman d’amour, la critique d’un système, une enquête sur une industrie, un roman politique sur des politiciens qui tentent de faire passer une loi en avance sur son temps et surtout une sorte de roman philosophique.
Ce qui est le plus touchant : l’histoire entre Malo, un maître, et Iris, une exploitée.
C’est ce qui tient le roman : L’inquiétude de Malo, le désir d’Iris de s’émanciper.
Ce qui est le plus dur : l’industrie.
Vincent Message, à travers une anticipation bienvenue dont nous ne pouvons livrer la clé sous peine de gâcher le plaisir des lecteurs, nous livre une critique féroce des conditions d’élevage des animaux que nous mangeons, rejoignant ainsi Jonathan Safran Foer et son essai Faut-il manger les animaux ?
Le parti pris de Message de choisir Malo comme narrateur nous permet d’être au plus près de sa souffrance, de ses doutes et de ses espoirs.
« Sous ce pont. Dans le fracas des trains. Au nord-est donc, sur le canal. J’attends. C’est la fin d’une de ces journées que le brouillard de pollution prive de passé et d’avenir en masquant la course du soleil. L’heure noire qui prend le relais maussade d’un succession d’heures grises. La nuit, dans ces cas-là, a des mains qui se referment sur moi. Elle sait me trouver déjà dans un état de fatigue hypnotique, et elle vient me donner le coup de grâce. »
Malo, qui nous ressemble tout à fait mais qui n’est pas comme nous. Malo qui veut sauver Iris, qui est dans l’action pour cela mais aussi pour faire avancer une cause. Un héros de l’action certes mais aussi de la réflexion.
Cette dualité est très sensible dans le roman. Vincent Message alterne les passages où il est question du sauvetage d’Iris, d’entrer pour elle dans la clandestinité à des passages où Malo (qui raconte l’histoire et l’écrit) analyse aussi l’Histoire. Nous parlions de conte philosophique, nous y sommes en plein dans les questionnements de ce narrateur.
Les hommes ont fait subir aux animaux, pendant des milliers d’années, des souffrances atroces. A leur tour d’en goûter un peu.
Cette transition forcée, de « maîtres et possesseurs » à état « d’homme de compagnie » ou à « bête à consommer » nous renvoie inévitablement à notre humanité et nous questionne directement sur notre société et nos comportements actuels.
Défaite des maîtres et possesseurs de Vincent Message, Editions du Seuil, janvier 2016
Un extrait à lire sur le site de l’éditeur ici.