[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]vant toute chose, pour bien comprendre le pourquoi du comment de ce qui va suivre, il te sera absolument nécessaire, les gens, de lire cet article : God Save The Queen… ou pas.
Peut-on parler ici de remake dans la mesure où, officiellement, cette version est basée non pas sur la série originale mais sur le roman homonyme de Douglas Adams ? Et que dire lorsque ladite adaptation ne reprend quasiment aucun élément du livre, sinon son titre et donc, le nom de son héros ? Je sais, ça fait déjà beaucoup de questions. Et bien, enquêtons.
Peut-on parler ici de remake ?
En premier fut l’œuvre littéraire (Dirk Gently’s Holistic Detective Agency), puis vint l’adaptation ou œuvre originale (Dirk Gently, BBC4-2010) et, enfin, le remake (Dirk Gently’s Holistic Detective Agency, BBC America et Netflix-2016). Voilà donc qui répond assez clairement à notre première question.
Que dire lorsque ladite adaptation ne reprend quasiment aucun élément du livre ?
On peut dire de la série originale anglaise qu’elle est fidèle et du remake américain qu’il est libre. Et quand je dis « on », je parle de bibi, tu te doutes bien car le but de l’opération c’est tout de même de (peut-être) te faire découvrir ces deux séries, de te donner envie de les regarder, de te faire ta propre opinion et de répondre à ces deux dernières questions :
Laquelle de ces deux adaptations tient le mieux la route ? Le remake était-il nécessaire ?
Le roman qui a donné son titre à ces séries, a été publié en 1987. Il fait suite à l’œuvre la plus connue, voire culte, de l’auteur : The Hitchhiker’s Guide to the Galaxy (1979). Ce premier roman, d’une longue série, est d’ailleurs lui-même un dérivé de l’émission radiophonique du même nom diffusée sur BBC Radio 4 de 1978 à 1980. Pour enfin devenir l’incontournable H2G2 en 2005. Si tu ne connais pas encore, cours découvrir pourquoi les serviettes de toilette ne sont pas toujours ce qu’elles paraissent être.
Cela te donne sans doute une meilleure idée du contenu de l’histoire car, fidèle à son genre totalement unique, on retrouve, dans Dirk Gently’s Holistic Detective Agency, moults intrigues qui ont peu de chance de faire sens et ce même au lecteur le plus ouvert d’esprit qui soit. Quand tu décides de te lancer dans l’univers d’Adams, tu acceptes d’abandonner à la porte tout raisonnement logique, toutes tes convictions et de te laisser raconter une histoire qui n’a ni queue ni tête mais ne manque cependant pas d’être absolument jouissive.
En résumé, s’il est possible de le faire, le titre se suffit à lui-même : Dirk Gently étant un détective privé holistique. « Holistique ? Mais qu’est-ce que tu me wacontes-là ? », t’entend-je dire dans cette désespérante imitation d’Arnold, « d’Arnold et Willy » (je te parle d’un temps que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaîtreeeeeeeeuh…).
Wiki, mon ami, Holistique via Holisme, s’il te plaît :
Holisme* (du grec ancien ὅλος / hólos signifiant « entier ») est un néologisme forgé en 1926 par l’homme d’État sud-africain Jan Christiaan Smuts pour son ouvrage Holism and Evolution. Selon son auteur, le holisme est :
« la tendance dans la nature à constituer des ensembles qui sont supérieurs à la somme de leurs parties, au travers de l’évolution créatrice. »
Euh… d’accord… ahem… mais encore ?
Le holisme se définit donc globalement par la pensée qui tend à expliquer un phénomène comme étant un ensemble indivisible, la simple somme de ses parties ne suffisant pas à le définir. De ce fait, la pensée holiste se trouve en opposition à la pensée réductionniste qui tend à expliquer un phénomène en le divisant en parties. Sens lexical : doctrine ou point de vue qui consiste à considérer les phénomènes comme des totalités…
…ZZZZZZZZZZZZZZZZZZZ…
Grosso merdo, comme le dit bien plus clairement et à répétition, Dirk dans les deux adaptations : « Je crois que tout et tout le monde est interconnecté. D’une façon pas toujours évidente de prime abord ». Tu m’en diras tant !!!
Pour mieux illustrer l’idée, c’est ce qu’il fait littéralement lorsqu’il décide, dans la version anglaise, de suivre une voiture choisie au hasard et de voir où ça le mène (appelée la « navigation zen », dans la version anglaise), mais tout en restant convaincu que la destination s’avérera être exactement le lieu où l’attend l’indice suivant ou tout simplement le lieu où il devait se rendre.
Et c’est un peu ce que Douglas Adams applique dans son histoire dont il dira un jour :
It’s a « thumping good detective-ghost-horror-who dunnit-time travel-romantic-musical-comedy-epic ».
Pour la traduction, tu google-traduiras, les gens.
À présent que nous avons les faits, passons à la revue de détails.
DIRK GENTLY (UK)
vs
DIRK GENTLY’S HOLISTIC DETECTIVE AGENCY (US)
Premier round : le rapport à l’œuvre originale.
Dans la version anglaise, même si le titre est tronqué, les différentes intrigues des quatre épisodes, d’une durée d’une heure chacun, contiennent des composants de l’œuvre d’Adams : les personnages correspondent (à une exception près), la disparition du chat simultanée à celle du millionnaire Gordon Way, le voyage dans le temps. Ce dernier est d’ailleurs le seul point commun entre l’œuvre originale et les deux adaptations.
L’esprit de l’œuvre est également respecté. En plus de nombreuses citations directement tirées du livre, Howard Overman, le créateur et scénariste du pilote, surtout connu pour être à l’origine de la série Misfits, s’est attelé à essayer de rendre, autant que possible, l’atmosphère de ce dernier. Quitte à donner une touche un rien dépassée à l’ensemble. Rappelons que dans le roman, l’action se passe dans les années 80. Ses compères, qui ont pris le relais pour les épisodes suivants, n’en étaient pas non plus à leur coup d’essai : Matt Jones est l’auteur de deux des meilleurs épisodes de Doctor Who (The Impossible Planet et Satan’s Pit) et Jamie Mathieson est le scénariste du film Frequently Asked Questions About Time Travel, sorti en 2009. Des auteurs qui connaissent donc bien leur sujet, tous fans de l’auteur, ce qui ne les a malheureusement pas empêché (par excès d’enthousiasme, sans doute) de faire une retranscription un peu trop ambitieuse des très nombreuses intrigues.
Trop, probablement, car c’est là que le bât blesse et que ce trop plein d’ambition nous donne, au final, une œuvre un peu brouillonne et souvent poussive. Ceci s’illustre notamment dans la photographie un peu vieillotte qui dessert l’énergie dégagée par le délirant détective. Des costumes un rien clichés et ternes qui dénotent avec l’excentricité des propos et des situations. Une mise en scène parfois trop simpliste, censée laisser la part belle à l’écriture.
Hélas, quand bien même elle ne fait nullement honte à l’œuvre d’Adams, même si Stephen Mangan n’a aucune raison de rougir de son interprétation du pétillant Dirk, la sauce ne prend que difficilement. Malgré tout, l’humour d’Adams est parfaitement rendu et l’on passe un moment agréable en compagnie de Dirk et de son acolyte, Richard McDuff, interprété ici par Darren Boyd.
Dans la version américaine, comme je le disais tantôt, seul le titre complet de l’œuvre originale (ou presque) reste.
Cependant…
Et oui, je vais me faire l’avocate du diable là car si la forme n’y est pas, l’essence, elle, est omniprésente.
Couleurs vives parfois criardes, ambiance musicale très dynamique, dialogues percutants, ces différents ingrédients sont autant d’éléments qui rendent véritablement hommage au roman d’Adams.
Pourtant, aucune des intrigues développées dans le roman et ses suites n’ont été utilisées. Et c’est bien là que réside tout le génie de Max Landis, créateur de ce remake : tout en restant fidèle, à leur manière, à l’œuvre originale, il a réussi à créer une série originale dans tous les sens du terme. Je m’explique : là où la version anglaise s’est embourbée à essayer de coller au plus près de l’histoire d’Adams au risque de rendre une œuvre résumée sans jamais offrir tout son potentiel, les américains ont su s’inspirer de l’excentricité de l’auteur et de son roman tout en créant une histoire nouvelle (et non pas renouvelée) dans un format, lui aussi, assez peu usité aux Etats-Unis. Id est une comédie proche de la bouffonnerie qui ne semble jamais faire sens jusqu’à sa résolution non pas à l’épisode final (là où on pourrait très légitimement l’attendre) mais au pénultième épisode. Ce qui fait du dernier épisode un cliffhanger de 45 minutes (taille moyenne d’un épisode, la saison en comportant huit) qui bouleverse absolument toutes les convictions que l’on avait si chèrement acquises au cours de la saison. Et c’est vraiment en cela, dans le fait que l’histoire va là où on ne l’attend plus, que cette version rend hommage à Douglas Adams.
Mais comme si cela ne suffisait pas, la véritable force de la série repose sur le clash des civilisations, le choc des cultures incarnés par le comédien anglais Samuel Barnett (dont on se souvient pour son rôle du secrétaire fouineur du Dr Seward dans la dernière saison de Penny Dreadful) dans le rôle de Dirk et de son « partenaire malgré lui », Todd ‘la lose totale’ Brotzman interprété par Elijah Wood, qu’on ne présente plus. Le duo, qui fonctionne brillamment, nous propose deux écoles très différentes de la comédie sans jamais s’opposer et des dialogues d’autant plus réussis qu’ils ne tentent jamais de s’adapter au public américain, connu pour sa récalcitrance à s’ouvrir au reste du monde, quand bien même il parlerait la même langue (d’où les remakes, la boucle est bouclée, merci, au revoir).
Si je résume, Dirk Gently, un détective so british, a trouvé une seconde vie dans l’imagination réellement très fertile de Landis. Mais ce serait réducteur de ne mentionner que ce personnage central car, parallèlement à ses aventures, on découvre le road trip improbable d’une tueuse holistique, Bart Curlish (jouée par la méconnaissable Fiona Dourif) et d’une de ses potentielles victimes, Ken (joué par Mpho Koaho) qui ajoutent au mystère Dirk Gently tout en t’éclairant très légèrement sur cet insolite détective.
Comme cela, sur le papier, ça peut paraître un rien décontenançant mais ça n’est rien comparé à ce qui t’attend si tu te lances dans cette série.
Deuxième round : l’originalité de chaque série.
Comme tu l’auras compris, les gens, nous venons d’être témoin de notre tout premier K.O technique. Et, crois-moi, je suis plutôt abasourdie de devoir avouer en toute objectivité que les américains ont réussi là un parfait remake.
Toutefois, il s’agit d’une œuvre très récente puisqu’elle a été diffusée en octobre dernier. Est-ce là l’exception qui confirme la règle ou un état de fait qui remonte à quelques remakes ago ?
C’est ce que nous découvrirons dans un prochain God Save The Queen…ou pas.
*définition de wikipedia.
Et bien ça alors : va pour l’US !
Étonnant, non?! Je reste aussi surprise que toi. Comme quoi, ma mauvaise foi légendaire a du mauvais sang à se faire.
Quel review !! j’adore votre ton drôle et rhytmé, à l’image de la série. Je ne connaissait pas la version anglaise de l’adaptation du roman. J’ai adoré la série netflix (que dis-je la très regretter série ) sinon je m’en vais découvrir les 2 romans. Merci encore pour la reviews.