[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]’est un petit et bel objet graphique, en même temps qu’une histoire bien amenée, que cette bande dessinée intitulée En roue libre (Casterman). Signée Gilles Rocher (« TMLP ») – qui aime à parler d’un quotidien grinçant mais pas larmoyant – elle est sobrement dessinée par Nicolas Moog, et mise en couleurs par Jiip Garn. Le récit met en scène Tonio, handicapé et désœuvré, et son ami d’enfance…
Le destin ne déroule pas toujours le tapis rouge à celles et ceux « qui restent au quartier » et se débrouillent comme ils peuvent. Il est vrai aussi que l’on force parfois le destin et que celui-ci choisit alors de basculer d’un côté ou de l’autre.
Tonio, lui, a tellement joué avec le feu pour épater la galerie que le destin s’est chargé de lui rappeler qui était le patron. Désormais, il zone en fauteuil roulant au pied des tours, le quotidien rythmé par un détour du côté du terrain de basket, un passage chez Ali pour y prendre quelques bières en guise de carburant, et la perspective de se faire couper la seule jambe qui lui reste.
Les souvenirs n’y changeront rien. Le garçon est en roue libre quoi ! Drôle de métaphore et de titre de BD pour illustrer un quotidien symbolisé par un fauteuil roulant… dont les sorties sont pour le moins limitées.
Sa petite bouée de sauvetage, ce pourrait être son ami d’enfance, qui ne lâche pas, demande régulièrement de ses nouvelles, s’inquiète pour lui. Un jour, il lui propose de faire un crochet en bord de mer. Une façon de lui changer les idées, de tenter de lui redonner goût à la vie. Peine perdue. D’autant qu’il le fait avec maladresse et que l’autre finit par en souper de « cette compassion à deux balles ». Comment aider un proche qui refuse de l’aide ?
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Entrecoupé de flash-back comme autant de souvenirs d’une vie heureuse, à l’époque où Tonio relevait les défis les plus fous et les plus dangereux, la bande dessinée alterne les pages colorées et chaudes comme le soleil avec des pages en noir et blanc incarnant la dure réalité du moment. Le style épuré du dessin s’inscrit dans l’univers tout en retenue et en ambiguïté des relations humaines illustrées dans le récit.
En roue libre est une tranche de vie à partager, où la joie de vivre a laissé la place aux regrets et à la marginalisation progressive, mais loin des clichés.
La fin, toutefois, laisse un peu sur la faim. On se prend à dire : « Ah bon, ça se termine comme ça, c’est fini, il y a rien après »? Mais c’est peut-être aussi l’attachement aux personnages qui traduit ce sentiment. Pas envie de les quitter. Enfin, pas comme ça…
Pour feuilleter l’album :