La vie de Ray Charles, ce gamin noir et aveugle né en 1930 au sein d’une famille pauvre de l’État de Géorgie, dans le Sud ségrégationniste, et devenu une des figures les plus marquantes de l’histoire de la musique américaine, devait donner lieu à un biopic dans la pure tradition made in USA. Cela a été chose faite l’année même de son décès, en 2004, avec la sortie du film Ray.
Mais plutôt que cette trajectoire certes édifiante, il faudra retenir de lui sa passion précoce pour le jazz, la soul et la country music, idiomes dont l’apprentissage était complexifié par son handicap. À force de volonté et de détermination, le jeune pianiste parvient à intégrer la prestigieuse écurie Atlantic à l’âge de 22 ans. C’est d’ailleurs avec un morceau écrit par le fondateur du label, Ahmet Ertegün, qu’il obtient son premier succès, Mess Around. Ray Charles impulse son énergie et sa fougue à ce boogie sautillant, participant en fait lui aussi à l’éclosion du rock’n’roll.
Les années 50 et 60 voient la notoriété du prodige, auquel est attribué le surnom « The Genius » qu’il exploite à l’envi dans les titres de ses albums, aller grandissante, au rythme des I’ve Got A Woman (1955) et Hallelujah I Love Her So (1956), inspirés par le gospel, de What I’d Say (1959), du nostalgique Georgia On My Mind (1960), du célébrissime Hit The Road Jack ou de Crying Time (1966). Majoritairement des reprises, donc. Ce répertoire populaire, à la croisée du rhythm’n’blues, de la soul et du blues, coexiste harmonieusement avec une carrière plus strictement axée sur le jazz, comme en témoigne l’album The Great Ray Charles en 1957. Toute la formule musicale en a été résumée dans le titre d’un vinyle de 1961 : Soul + Genius = Jazz ! Si elle laisse dubitatif les mathématiciens, cette équation aura interpellé les esprits mélomanes.
Dans cette ascension vers le succès, l’artiste a été accompagné par un groupe de choristes, les Raelettes, dont le nom ne préfigurait nullement la secte adepte du clonage.
Si les années 70 sont pour lui synonymes de vaches maigres, il connaît un regain de popularité à partir du milieu des années 80, endossant la figure du mythe encore vert. Il apparaît dans le collectif caritatif USA For Africa en 1985, puis dans des publicités et des shows télévisés. Il meurt d’une maladie du foie, le 10 juin 2004.
Sur le plan privé, Ray Charles a connu l’addiction à l’héroïne, dont il a su se sortir. Il a eu douze enfants avec neuf ou dix femmes selon les versions.
Laissons le dernier mot à Michel Jonasz, qui a consacré un titre (certes bien trop synthétoc) à son idole.