[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]J[/mks_dropcap]acques Demy, c’est ce cinéaste français né le 5 juin 1931 et disparu trop tôt, le 27 octobre 1990. C’est ce magicien qui a bercé mon enfance et mon adolescence avec ses extraordinaires films musicaux, Les Parapluies de Cherbourg (1964), Les Demoiselles de Rochefort (1967), ou le merveilleux Peau d’âne (1970). C’est cet enchanteur qui met de la gaieté et du rêve dans ses longs métrages et nous fait voir la vie en rose dans des films incroyables d’originalité et de créativité. C’est en tout cas ce que j’en retiens de mes jeunes années et souhaite en retenir aujourd’hui encore, même si l’univers du cinéaste est en réalité très sombre et bien différent, sous couvert de féerie et de fantaisie. Non, je ne vous parlerai pas de ce Demy là, mais simplement de ce que j’aime en lui.
Voilà notre Jacquot un diplôme des Beaux-arts de Nantes en poche après un Brevet d’Etudes Industrielles et un CAP de mécanicien garagiste. Après des études à l’ETPC (École technique de photographie et de cinématographie) puis un premier travail auprès de Paul Grimault, la fin des années cinquante voit naître ses premiers courts métrages : Le Bel Indifférent (1957), Le Musée Grévin (1958), La Mère et l’enfant et Ars (1959).
En 1959, Lola, son premier long métrage, marque sa première collaboration avec le grand Michel Legrand pour la musique. S’en suivra un sketch dans Les Sept Péchés capitaux (1961), période pendant laquelle il met au point le scénario des Parapluies de Cherbourg et travaille déjà sur la musique de ce film avec le même Michel Legrand. Après La Baie des Anges (1963), Demy nous offre Les Parapluies de Cherbourg (1964), avec la belle Catherine Deneuve, qui obtient immédiatement un succès public et critique. Il gagne le prix Louis-Delluc dès janvier 1964, puis la Palme d’or à Cannes. En France, le public plébiscite le film et le succès du film à l’étranger donne à Jacques Demy et aux autres protagonistes, Mag Bodard, Michel Legrand et Catherine Deneuve, une immense notoriété internationale.
Les Demoiselles de Rochefort (1967), sublimes Françoise Dorléac et Catherine Deneuve, sœurs à la ville comme à l’écran, voient le jour en 1967 malgré des difficultés pour réunir l’énorme budget nécessaire. Mag Bodard parvient à obtenir la participation de Warner, qui permet de doubler le budget et d’amener dans la distribution les acteurs américains Gene Kelly et George Chakiris. Jacques Demy part ensuite aux États-Unis, où il va rester plus de deux ans. Sorti à New-York, Model Shop (1969), dans lequel Demy examine un bout des États-Unis avec une attention quasi documentaire, est un échec immédiat ; en France, le film n’est pas doublé, il reste donc limité au circuit Art et Essai.
Il rentre en France pour son projet personnel de Peau d’âne, merveille des merveilles selon moi, tiré du célèbre conte de Perrault et mettant en scène à nouveau la belle Deneuve dans le rôle de la princesse en fuite, Jean Marais dans celui du roi incestueux et la ravissante Delphine Seyrig en fée des lilas malicieuse. Le tournage va être plus difficile que prévu malgré l’enthousiasme de l’équipe : l’insuffisance du budget de départ obligea à une très forte limitation du décor et de la figuration. Les mouvements pop art et peace and love que Demy découvre aux États-Unis pendant le tournage de son précédent film influencent celui-ci où l’on retrouve des décors très colorés.
Le Joueur de flûte ou The Pied Piper (1972), L’Événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune (1973), Lady Oscar (1978) vont suivre, en attendant Une chambre en ville en 1982, beaucoup plus sombre que la plupart des films de Demy, dont la musique est composée non pas par Michel Legrand qui n’a pas voulu travailler sur ce sujet, mais par Michel Colombier. Le film est une succession d’échecs et de défections, et sera boudé en France.
Les films de Jacques Demy accordent une place particulière à la musique, que Michel Legrand dirige de main de maître. Seule la bande originale d’Une chambre en ville est composée par un autre compositeur. Demy s’attelle lui-même aux textes, et allant même à deux occasions jusqu’à réaliser des films entièrement chantés : Les Parapluies de Cherbourg et Une chambre en ville. Ces deux films du reste se démarquent paradoxalement de son univers féerique pour explorer le sentimental dans une description sociale méticuleuse. Il est probablement le seul réalisateur en dehors des États-Unis à avoir obtenu un succès international dans le domaine du film musical avec Les Parapluies de Cherbourg (Palme d’Or au festival de Cannes) et de la comédie musicale avec Les Demoiselles de Rochefort.