[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]l s’agit sans doute d’un de ces livres qui vous sort de votre ligne de confort, une lecture qui ne laisse pas indemne ni indifférent. L’été des charognes, le premier roman de Simon Johannin, est un livre époustouflant par sa cruauté dans cette atmosphère étouffante, la brutalité des propos. Sans conteste dès les premières lignes il est impossible de lâcher ce roman même si une situation de malaise flagrant vous saisi. La faute sans doute à cette écriture faussement naïve et détachée mais en même temps teintée de l’amertume qu’utilise le narrateur pour décrire son quotidien mais pas n’importe lequel…
Le narrateur est un jeune garçon qui dépeint sa famille sans filtre, la violence, les bastons, la barback, la crasse, la violence verbale et les coups. Une sorte de guerre des boutons borderline, dans une famille isolée au beau milieu de nulle part, un lieu dit crasseux presque autarcique nommé La Fourrière. Des oncles sortent de prison, les séjours en zonzon n’ont en rien altéré leur comportement déviant, on se félicite qu’ils soient revenus auréolés d’une certaine aura d’admiration. A la ferme on égorge les cochons, le sang coule à flot dans une drôle d’atmosphère proche d’une folie sanguinaire, des banquets orgiaques sont organisés où l’on mange beaucoup, de la viande à profusion à s’en rendre malade, à s’en faire vomir et où l’on boit surtout.
Le langage est cru, vulgaire, humiliant souvent à l’encontre des enfants, menaçant face aux étrangers, un témoin de Jéhovah égaré veut apprendre sa façon de voir la vie au père du narrateur mais il ne faut pas faire son malin face à cet homme dont la patience n’est pas une vertu… Les enfants ramènent les parents incapables de conduire après des soûleries mémorables en voiture. Et puis, dans un coin d’un terrain isolé, les enfants découvrent des ossements, des nouveaux jouets morbides, des cadavres de carcasses d’animaux, des vieilles charognes.
Nous sommes saisis par l’écriture, la lucidité et le fatalisme du jeune narrateur qui nous donne à voir des scènes inimaginables. On se dit aussi que c’est aussi le vrai quotidien à peine caricaturé de laissés pour compte, des écorchés de la vie ce qui fait froid dans le dos. Il se construit et se débat dans cet univers âpre sans de réelle chance de s’en sortir, sans vraiment de perspective d’avenir, une fatalité, une lignée familiale à faire perdurer. Le livre prend alors des aspects de roman d’apprentissage fait d’expériences extrêmes et d’introspections profondes et clairvoyantes. L’écriture familière, l’oralité nous donne à lire un témoignage qui nous fait rire jaune, on sent bien que tout n’est pas tout à fait normal mais à quoi bon quand on n’a connu que cela, pourquoi s’en offusquer ? Et puis l’été va bientôt s’achever, une nouvelle année pointe le bout de son nez, certains vont partir, avec la lucidité de peut être rester à quai pour toujours.
Un premier roman d’une rare puissance textuelle entre les lignes.
L’été des Charognes de Simon Johannin publié aux éditions Allia, janvier 2017.
Un extrait à lire ici.