[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#1e73be »]D[/mks_dropcap]ans le paysage désolé du Massachusetts en proie à un hiver sans fin, vit un certain Ethan Frome. Le narrateur, nouveau venu au village, est intrigué par ce personnage mélancolique et boiteux, « le plus frappant de Starkfield, bien qu’il ne fût plus qu’un homme brisé ».
Aussi va-t-il chercher à connaître son histoire. C’est cette histoire que nous conte ce roman, singulier dans l’œuvre d’Edith Wharton.
Ethan Frome est un fermier taciturne et solitaire, qui vit dans une ferme isolée héritée de ses parents. Il s’étiole entre un travail ingrat et un mariage malheureux avec Zénobia, une femme capricieuse et hypocondriaque. Et s’il se surprend parfois à rêver d’ailleurs, il se sait condamné à mener cette vie sans joie jusqu’à sa mort.
C’est sans compter l’arrivée de Mattie Silver, cousine de Zénobia, une jeune et jolie orpheline qui vient aider à tenir la maison. Aussi vive et gracieuse que Zénobia est revêche et morbide, Mattie illumine soudain la vie d’Ethan. Et dans son cœur en sommeil, comme engourdi par une glaciation éternelle, jaillit alors l’étincelle, celle qui fait tout basculer et que l’on appelle Amour.
Tandis que Zénobia, jalouse, compte bien rétablir l’ordre, Ethan, jusqu’alors soumis, semble résolu à se libérer de ses chaînes. C’est le destin brisé du couple et cet amour contrarié qu’Edith Wharton décrit dans ce roman terriblement noir et faussement limpide, peuplé d’êtres ordinaires qui se débattent tant bien que mal entre passions et devoirs.
Ethan Frome est une œuvre bouleversante et désespérée, d’une indicible beauté, où les existences étouffent sous les vents glacés de l’hiver et le poids des conventions.
Remarquablement retraduit en 2014 par Julie Wolkenstein, auteur chez P.O.L et spécialiste d’Henry James, ce texte oppressant met en scène la chute inexorable d’un homme, mort avant même d’avoir vécu. Le destin tragique d’une âme broyée à la recherche d’un semblant de bonheur et de liberté.
Un pur chef d’œuvre, à découvrir absolument.
Ethan Frome d’Edith Wharton, traduit de l’américain par Julie Wolkenstein, éditions P.O.L, 2014.