[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]T[/mks_dropcap]ous les deux ans, le Festival America réunit à Vincennes la crème de la littérature américaine contemporaine. Pour cette 8e édition, le festival accueillait entre le 8 et le 11 septembre près de 60 auteurs, dans les genres les plus divers, littérature générale, roman noir, science-fiction BD, essais, jeunesse, etc. Un impressionnant panorama, l’occasion de découvrir de nouveaux auteurs, de rencontrer des auteurs confirmés, et d’assister à de nombreuses tables rondes sur des sujets aussi variés que le terrorisme, la violence aux États-Unis, la jeunesse, la famille, les seventies… La musique était aussi à l’honneur avec des concerts, un « bal à la page », des récitals de chanteurs-écrivains. Le festival a réservé une belle part à James Ellroy, présent à Paris pour le trentième anniversaire de son éditeur français de toujours, Rivages. Dès le vendredi 8 au soir, James Ellroy répondait aux questions de Michel Abescat.
Pour un compte rendu plus détaillé de cette soirée spéciale, vous pouvez aller voir ici. Le lendemain, une soirée hommage était consacrée à Jim Harrison, qui nous a quittés il y a quelques mois.
Dimanche, Jérôme Dejean, de la librairie Millepages à Vincennes, recevait Marlon James autour du thème de la violence. Marlon James est l’auteur jamaïcain d’une sorte de monument (800 pages) intitulé avec ironie Brève histoire de sept meurtres, traduit par Valérie Malfoy et publié par Albin Michel. Un roman d’une ambition certaine qui, à partir d’une histoire – celle de la tentative de meurtre de Bob Marley – se déploie en une fresque qui expose dans un style brillant la violence à la Jamaîque, qu’on ne saurait séparer de la violence américaine, des trafics de drogue, de la CIA et de la mafia. Son livre a remporté le Booker Prize 2016. « Mon livre parle de violence, mais je suis profondément anti-violence », affirme Marlon James.
Sur le même sujet, James Ellroy enchaînait en évoquant son dernier roman, Perfidia, traduit par Jean-Paul Gratias et publié chez Rivages. « Je ne pourrais pas dire la même chose que Marlon James. Je ne suis pas un homme violent, j’ai un cœur, on pourrait même dire que je suis un romantique. La violence, je n’en parle que lorsque j’écris. Le problème, c’est que j’écris tout le temps. »
Quelques minutes plus tard, Christine Ferniot animait une table ronde autour du thème « Terrorisme et littérature », réunissant Colum McCann, Emily St John Mandel et Rachel Kushner. Colum McCann, auteur d’origine irlandaise vivant à New York, a évoqué avec émotion et beaucoup d’intelligence son enfance en Irlande du nord et l’impact du terrorisme à l’époque, racontant également les attaques du 11 septembre : « J’ai passé mon doigt sur le rebord de la fenêtre, et j’ai pensé à ce qui composait cette poussière : cendres, restes humains, cils… ». Sa dernière publication, Treize façons de voir (éditions Belfond), traduite par Jean-Luc Piningre, réunit quatre nouvelles écrites après une agression, et un court roman, où la violence – sociale, quotidienne, politique… est abordée avec le talent habituel de l’auteur.
La Canadienne Emily St John Mandel vient de publier chez Rivages Station Eleven (traduit par Gérard de Chergé), où elle délaisse le roman noir pour un récit « post-apocalyptique » qui décrit un monde d’où 99% de la population a été éliminée par une épidémie, brossant de la condition humaine un portrait saisissant et émouvant. Rachel Kushner parlait de son dernier roman, Les lance-flammes, traduit par Françoise Smith et publié par Stock, où il est question du terrorisme italien des années 70, des années de plomb et d’un destin de femme confrontée à la violence et au mensonge.
Une fois bien épuisé par ces tables rondes fertiles en réflexions et en remises en cause, le visiteur avait tout le loisir d’arpenter les allées de la librairie et d’y faire d’heureuses rencontres. Par exemple celle de l’excellente traductrice Céline Leroy en compagnie du formidable Peter Heller, venu présenter son dernier roman, Peindre, pêcher et laisser mourir (Actes Sud).
Un peu plus loin, Megan Abbott dédicaçait son nouveau roman noir, Avant que tout se brise (traduit par Jean Esch et publié par Le Masque), encensé par Nick Hornby, James Ellroy et Kate Atkinson. C’est avec un plaisir sincère que nous lui avons avoué que plus elle écrivait, plus on aimait ce qu’elle écrit.
Deux ans, c’est long. C’est pourtant le temps qu’il faudra attendre pour retrouver le Festival America.