[dropcap]C[/dropcap]’est Yolande d’Aragon, dite « YO », qui a eu cette idée folle : pour sauver le royaume de France, il lui faudra une école. Une « war academy », la seule capable de dégoter et de former une guerrière prophétesse qui boutera les anglais loin du trône.
Yolande envoie donc ses chevaliers dégoter quinze jeunes filles parmi lesquelles se trouvera cette pépite. Des jeunes filles qui seront soumises, dans le plus grand secret, à un apprentissage tout spécialement imaginé pour distinguer la plus capable : l’élue.
Ce roman m’a fait l’effet d’une bombe tant il est malin et croquigniolesque. Jouant sa propre partition de la légende jeannesque, l’auteur déploie une version « girl power » qui n’aurait certainement pas déplu à Simone et Virginie. On devine à quel point il doit aimer et connaitre cet épisode de la guerre de Cent ans pour la réinventer aussi habilement. Le contexte est finalement présent sans être pesant : l’introduction donne au lecteur toutes les clés pour comprendre les enjeux de cette époque trouble.
Aucune lourdeur, vraiment : le rythme est si soutenu que les pages défilent toutes seules. Plus encore, l’alternance des points de vue entre Yolande et Jeanne donne un vrai dynamisme au récit qui, à la manière d’un roman choral, s’éclaire d’un jour nouveau à chaque changement de narratrice.
L’ingéniosité de Guillaume Lebrun ne se limite pas au scénario. Son texte est croustillant et gentiment gore : entre deux scènes qui provoquent d’irrésistibles fous rires, le sang gicle à flot. Décomplexé dans le ton, il l’est aussi dans le langage, la vraie merveille de ce roman. Un vieux français revisité, mâtiné d’anglais et d’argot de quartier. Il fallait l’inventer.
Nulle Guerrillère ni prophétesse. Ce que j’avais perçu tantôt devait estre diables hallucinations. En elle percevais à présent meslement habile deux choses : pucelle de fait et pourceau d’apparence. Pour raccourci et mémoire, je la nommais secrètement Jehanne la PourcelleGuillaume Lebrun
Forme et fond se disputent ainsi la plus grande liberté de ton dans ce roman non académique, toujours en mouvement, qui rompt avec les codes du récit historique pour mieux le réinventer.
De quoi me faire (presque) apprécier les passages relevant du registre de la fantasy – c’est dire si ce roman m’a conquise. Car oui, l’auteur est aussi capable de ça : mélanger les genres littéraires, au point d’introduire, d’abord doucement, puis franchement, une dimension parallèle qui sied finalement si bien à la figure légendaire de Jeanne d’Arc.
Une figure que Guillaume Lebrun inscrit dans une lignée. Dans un combat final dantesque à la sororité assumée, il invite d’autres combattantes, de tous lieux et toutes époques, que l’Histoire a également décrié : Ching Shih, piratesse de Chine ; Dihya, reine berbère aussi connue sous le nom de Kahena ; Seh-Dong-Hong-Bey, cheffe des amazones du Dahomey – et d’autres femmes guerrières, plus ou moins légendaires, dont on trouvera une biographie « made in Yolande » à la fin du livre. Peut-être de prochains sujets de roman ? Je ne peux que le souhaiter !
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Fantaisies Guérillères de Guillaume Lebrun
Christian Bourgois Editeur, 2022
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Image bandeau : Photo du site https://armstreetfrance.com/actualite/la-collection-letoile-noire