[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]epuis 150 ans les spectateurs se pressent sur les pierres chaudes du Théâtre Antique d’Orange pour assister aux Chorégies. Il y a 150 ans, Joseph, opéra de Mehul, inaugurait la scène d’un siècle et demi de représentations lyriques. Pendant 150 années depuis sa création, le festival rend hommage aux talents lyriques, et le 13 juillet 2019, pour sa nouvelle saison, Orange célébrait Guillaume Tell.
En choisissant de jouer pour la première fois cet opéra, Jean-Louis Grinda, le directeur, performe sa volonté de renouveler les atouts d’Orange en proposant une sélection « transversale » et originale.
Guillaume Tell, c’est l’allégorie de la résistance face à l’envahisseur. Celui qui s’engage pour ses idéaux et pour sauver sa patrie de l’oppression. Au risque de perdre son fils unique, soumis par les hommes du gouverneur Gessler, chef des occupants autrichiens dans une Suisse assaillie.
Quatre héros pour sublimer l’œuvre de Rossini : Guillaume, interprété par Nicola Alaimo. Pour l’avoir vu sortir du véhicule qui l’accompagnait devant le Théâtre, je puis affirmer que sa puissance vocale est à l’aune de son impressionnante stature ! Présent pour la première fois aux Chorégies, il n’en reste pas moins un immense chanteur baryton, triomphant depuis plusieurs années dans son rôle de Guillaume Tell, parmi les plus illustres opéras internationaux.
Sa femme Hedwige, interprétée par Nora Gubisch. Elle partage sa voix de mezzo soprano entre les opéras et la mélodie des notes du piano d’Alain Altinoglu avec qui elle a enregistré deux disques de mélodies françaises. Annick Massis inaugurait son rôle de Mathilde sur la scène d’Orange. La soprano, fréquemment invitée des plus grands lieux d’opéras, a montré l’ensemble de ses capacités vocales pour nous transmettre toute l’émotion de sa condition : une femme prise dans la tourmente d’un amour impossible avec un homme « de l’autre camp ». Au début de l’acte 2 sa voix possède les gradins ! Elle nous transporte dans sa douleur d’aimer.
Orange retrouvait l’un de ses ténors favoris : Celso Albelo qui jouait le rôle du Duc de Mantoue dans Rigoletto en 2017. Dans Guillaume Tell, il excelle dans son rôle de jeune amoureux tiraillé entre son peuple et sa belle. Dans le chant crié de leurs deux prénoms, les deux amoureux scellent leur amour pour l’éternité.
L’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo et les Chœurs de l’Opéra de Monte-Carlo et du Théâtre Capitole de Toulouse accompagnaient les danseurs du Ballet de l’Opéra Grand Avignon. Jean-Louis Grinda est un homme d’actions. Son choix de fêter les 150 ans des Chorégies avec Guillaume Tell marque sa volonté de toujours chercher l’innovant. Sa quête artistique est presque archéologique : réhabiliter les chefs-d’œuvre du passé pour les imposer en joyaux du présent.
Certes, cet opéra à la trame historique et politique a marqué le temps. À titre purement personnel, je n’ai pas perçu le Sublime de son essence. D’abord parce qu’il est en français et qu’à mon sens cela fait perdre la poésie et une grande partie des émotions. Puis, parce que l’amour, bien que présent, est supplanté par les difficultés politiques et guerrières des deux camps. Enfin, parce que le parti pris de la mise en scène de Jean-Louis Grinda, sans autre décor qu’une projection de montagne suisse sur le mur d’Auguste, n’aide pas à entrer dans la trame et en supporter ses longueurs.
Je reste cependant séduite par la rigueur persistante de ce metteur en scène qui est maître dans l’art des grandes mises en scène à la centaine de figurants, qui sont, par leur seule présence scénique, LE décor.