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Jism ? (là c’est ma cheffe qui parle)
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Ouais (là …)
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Tu sais quand est-ce qu’on est là ? Fin juin. Tu sais ce que ça veut dire ?
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… ???? ….
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C’est l’époque où, comme chaque année depuis quatre ans, je vais te confier la même mission : retourner en terre Clissonienne bouter le sataniste hors de nos frontières. Comme à chaque fois tu auras un missel, une croix et ta foi pour le faire. Mais … mais … maiiiisssss … comme nous avons remarqué chez toi une forte tendance à délirer, à te laisser pervertir par le satanisme, nous avons décidé en haut lieu de t’adjoindre une collègue pour cadrer quelque peu ces bouffées délirantes qui, chaque année, te font raconter n’importe quoi et surtout apprécier ce genre de messes noires.
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…
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Accueille comme il se doit Judas, ta nouvelle collègue !
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Judas ??? euhhhhhhh, cheffe, je ne m’y connais pas trop en théologie, mais vous êtes sure de votre choix ?
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Oui.
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Bon … ben, je pense que vous allez avoir quelques surprises …
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#f5d100″]A[/mks_dropcap]u bout de trois jours de festival, autant vous l’avouer : mon intuition ne m’a pas fait défaut, Judas s’est révélée être encore plus passionnée que moi par la culture sataniste et d’une rigueur incroyable. Donc sur ces trois jours, nous avons vu pas loin d’une soixantaine de concerts, partagé pas mal de coups de cœurs, de déceptions, de joies, de découvertes. Bref, c’est un peu dans cet ordre que nous allons rendre compte de cette édition 2018.
Comme chez Addict-Culture nous préférons parler des coups de cœur, mettre en avant ce que nous aimons, évacuons d’emblée les déceptions pour se focaliser sur les bons ou grands moments.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#f5d100″]L[/mks_dropcap]es déceptions, nous les avons trouvé le premier jour, peu propice aux grands concerts, et surtout le dernier, avec l’un des set les plus consternants vu jusque là.
Au rayon déception, ou concert sans intérêt, c’est selon, vient d’abord Joan Jett & The Blackhearts. Le concert fait un peu réunion de vieilles gloires, évocation d’une époque révolue, un peu surannée : le punk rock de la fin des 70’s. Pour tout dire, sans être désagréable, le set est pépère, au point que le groupe a du mal à faire décoller un public qui ne se manifestera véritablement que sur I Love Rock’n’Roll. Il manque juste un truc. Un petit truc qui fait toute la différence entre Joan Jett et, par exemple, Killing Joke (pour évoquer un groupe issu de la même époque et programmé il y a trois ans) : le charisme et la folie d’un Jaz Coleman.
En parlant de vieilles gloires, le cas Hollywood Vampires a également suscité une sorte d’unanimité, celle de ne pas être formidable. Les supers groupes comme celui-là, comme disait la grande poétesse Monégasque, ça passe ou ça casse. L’an dernier le concert de Prophets Of Rage (Cypress Hill + Public Enemy + Rage Against) était grand, cette année celui de Hollywood n’a pas dépassé le stade de l’anecdotique. Alice Cooper a fait son show, très bien, mais je crois que personne n’a vraiment bien compris l’utilité d’un troisième guitariste (Johnny Depp, le figurant de luxe). Après, le choix de la set list faisait ressembler le concert à une sorte de pot pourri sixties/seventies sans véritable intérêt. Sympa mais aussitôt vu, aussitôt oublié.
Autre concert sans véritable intérêt, celui de Steven Wilson. Mais là, ça tient plus au fait que le rock progressif me file de l’urticaire qu’autre chose. On peut apprécier ce rock planant, les talents d’arrangeur d’Opeth mais bon, à part ça, ce technical bored metal avec soli à rallonge et pompage en règle du Purple Rain de Prince est d’un ennui assez abyssal.
Au rayon cruelle déception, Jessica 93. Laporte a abandonné la formule quatuor pour ne garder que celle duo avec Snug à la prog, aux cymbales et au troll. Sauf qu’une set-list plus incisive aurait été plus judicieux que celle choisie. Dommage.
Maintenant, last but not least, le best of the best du worst, la palme de la consternation revient à Marylin Manson. Là autant le dire on a touché le fond. Le concert a révélé la fatuité du personnage : désagréable (demandez à la jeune fille venue du public ce qu’elle a pensé de l’accueil sur scène quand, apparemment paumée, elle s’est faite rattraper par le service d’ordre), provoc d’un autre âge (machisme datant d’il y a au moins trois/quatre voire cinq décennies), alzheimer précoce (oubli de paroles), temps de latence entre les morceaux très long (à un moment je me suis dit qu’il allait terminer le concert sur cinq minutes de silence, ce qui pour le coup, aurait été une provoc assez drôle) et enfin un Marylin Manson qui se faisait royalement chier, plus préoccupé par son cachet que de faire un bon concert. Bref, un naufrage dont seuls les musiciens ont réussi à tirer leur épingle du jeu (parce que bon, tout n’a pas été négatif).
Et toi, Judas, des déceptions ?
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#f5d100″]E[/mks_dropcap]n tant que grande amatrice de black métal devant Satan, j’ai été particulièrement déçue par Nordjevel qui donnaient l’impression d’avoir une liste de choses à faire pour « être un vrai groupe de black », comme se maquiller, faire des rictus méchants, alterner passages agressifs et rapides avec des passages agressifs mais plus lents. Il faut avouer que c’était assez loupé car ça manquait tout simplement d’âme (ce qui peut-être vu comme paradoxal, pour un groupe de ce genre musical).
Il arrive aussi que les déceptions soient plus liées aux conditions qu’aux musiciens eux-mêmes. Parce que oui, au Hellfest, il y a du monde, beaucoup de monde. Une fois cet enfonçage de portes ouvertes effectué, on peut citer comme exemple le concert de Heilung, dont j’attendais beaucoup (et je n’étais pas la seule, au vu du public nombreux rassemblé sous la tente). Les spécialistes de la musique viking délicate à coup de peaux de bêtes et d’ossements d’animaux ont joué un set impressionnant, mais qui aurait mérité une ambiance plus intimiste et nocturne. Cela aurait permis aux cérémoniaux effectués sur scène et à la subtilité de leur musique de prendre toute leur ampleur. Ce qu’avait réussi à faire Wardruna l’année dernière en déclenchant une transe collective, Heilung est passé à côté. Frustrant.
Tout aussi frustrant a été le concert de Meshuggah (mon compère ne sera pas de cet avis, cf. plus bas). Les suédois qui ont introduit la polyrythmie dans le death jouaient cette année sur la mainstage. Et sauf que la mainstage, c’est grand, et que quand on est un peu loin, ça peut donner l’impression de voir la retransmission d’un concert sur un écran géant, à côté de tonton Jacques qui raconte son week-end dernier à la mer. On a vu mieux. La même impression a été générée par le concert de Converge, avec cette sensation de distance contre laquelle les musiciens auront beau tout faire, la greffe ne prendra pas.
Dans le rayon frustration, enfin, deux concerts sous la tente de la Valley pour lesquels le public débordait de tout côté : ho99o9 et Zeal and Ardor. Dans deux styles très différents ces deux groupes ont proposé un set qui restera dans les annales, mais desquels je n’ai pas pu profiter, faute de place.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#f5d100″]M[/mks_dropcap]aintenant que nous avons évacué l’aspect désagréable, passons aux choses sérieuses.
Je continue sur ma lancée (j’espère que tu ne m’en voudras pas Jism) et souhaite rappeler que le black-métal et tous les genres connexes sont ce qui s’approche le plus près du bonheur. Et qu’en cette matière, le Hellfest 2018 a fait fort, très fort, avec une programmation remarquable.
Les décors chargés sont à double tranchant : soit ils ridiculisent le concert pas un côté cheap involontaire, soit ils rendent l’expérience plus intense. Avec les polonais de Batushka, le public de la Temple a vécu une infernale cérémonie se jouant des codes du christianisme orthodoxe. Les musiciens, tous masqués et costumés sont arrivés en portant une idole peinte, couverture de Litourgiya, dernier album du groupe (chaudement recommandé). Trois choristes, deux guitaristes, un bassiste et un batteur dissimulé derrière un paravent entouraient le chanteur qui, du haut de son autel, guidait ses ouailles, à grand coup d’encensoir et de sermons hypnotiques. C’était fascinant, dense et très bien mené.
Les islandais de Mysbirming sont eux aussi arrivés costumés, mais plus sobres (au passage, seul Iron Maiden a fait moins sobre que Batushka), avec de simples chemises ensanglantées et la peau noircie. Animés d’une énergie intense, leur post-black ravageur a violemment réveillé le public présent et a définitivement confirmé qu’un concert de black-métal peut tout à fait s’apprécier à l’heure de la digestion du déjeuner… ou même à l’heure du brunch (car les métalleux ont aussi un certain standing), comme ce fut le cas avec Plebeian Grandstand. Les toulousains, ont réussi à couvrir les spectateurs matinaux d’un mur de son qui ravageait tout sur son passage. C’était vraiment bon.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#f5d100″]D[/mks_dropcap]ans un style similaire, deux groupes du label des Acteurs de l’ombre ont également marqué cette édition. Les français de The Great Old Ones, avec leurs compositions et une scénographies inspirées des écrits de Howard P. Lovecraft, ont exécuté un black inquiétant et moite, nourri de créatures visqueuses et de sombre folie. Si Cthulhu avait un hymne, il serait certainement issu de leur discographie. Les lituaniens d’Au-dessus, ont eux aussi, sans grands effets de manche (mais néanmoins de belles capuches) joué un post-black efficace et viscéral.
Bon … ben … je vais peut-être reprendre un peu la main. Commençons par les découvertes : Au-Dessus, par exemple. Là je rejoins tout à fait Judas sur la sobriété des Lituaniens qui m’ont rappelé Mgla sans l’aspect rigoriste/intransigeant des Polonais. Autre excellente surprise, Arkona. C’est d’autant plus une surprise pour moi que les binious/cornemuses et autres flûtes dans le métal ont tendance à me faire fuir. Ici, que nenni, la scénographie est top (peaux de bêtes, crânes d’animaux), la chanteuse a un charisme de fou, ça headbang sublimement, les compos tiennent très bien la route et c’est kitsch à souhait (par moment le vent dans les cheveux de Masha était tel qu’on se serait cru dans une pub pour un shampoing). Belle surprise. Autre découverte : Mysticum. Pour résumer, je m’apprêtais à aller voir Europe après le concert de Meshuggah, je vais au coin presse, passe devant le Temple et là je vois trois barges, debout sur leur ampli en train de jouer un black metal bien bourrin. Je m’arrête, cherche le batteur puis y renonce, me laissant emporter par la puissance du rouleau compresseur, pas subtile certes, flirtant pas mal avec l’indus, mais plutôt impressionnant car bien violent et très malsain. Du coup, pour la seconde fois, j’ai encore loupé Europe. Autre coup de cœur, Caïnan Dawn. Pourtant, c’était pas évident au départ : d’entrée de jeu leur brutal death se révèle être très monolithique mais celui-ci devient ensuite plus subtile jusqu’à en être passionnant au bout du troisième morceau. Autre excellente découverte, Psykup mais je laisserai Judas en dire le plus grand bien plus loin.
Ok, pas de problème, c’est de nouveau à moi, Judas, qui vous l’avez compris aime beaucoup le black metal, mais pas que. Au rayon découvertes, je rejoins Jism sur Mysticum et Caïnan Dawn, que j’ai apprécié pour les mêmes raisons (et le bassiste de ce dernier groupe qui avait une ressemblance avec John Snow, mais qui, lui, savait beaucoup de choses sur son instrument). Ma curiosité a également été satisfaite par le deuxième concert de ce week-end musical : The Walking Dead Orchestra. Sur album, je n’avais pas été renversée par ce death-metal, qui, malgré une indéniable qualité, était loin d’être révolutionnaire à mes oreilles. Mais en concert, quelle énergie ! Les grenoblois ont avoué sur scène que « jouer au Hellfest, c’est un rêve de gosse » et ont diffusé leur joie d’être sur scène par des riffs brutaux et terriblement efficaces.
Imaginez des clowns alcooliques, sales, menaçants qui jouent une musique grotesque, mélangeant trompette, trombone à coulisse, base rythmique agressive, mélangez un peu tout ça et vous obtiendrez Pensées Nocturnes, un des concerts les plus originaux de cette cuvée 2018. Ce mélange du puissant et du bizarre, parfaitement sonorisé, était tout à fait réussi.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#f5d100″]D[/mks_dropcap]ans le rayon bonnes surprises douces, j’ai profité de la programmation de la Valley pour découvrir Bongzilla, du stoner mâtiné de doom, tout à fait hypnotisant et cyclique. Très chouette aussi était le premier concert du deuxième jour, avec le rock psyché très 70’s de Black Rainbows. Bien foutu, excellent pour se réveiller à 10h30 (oui, je suis de la France qui se lêve tôt).
Les confirmations maintenant : contrairement à ce que disait Judas plus haut (faut dire que j’étais assez près de la scène), Converge et son metalcore/hardcore ont tout dévasté sur leur passage, avec un Jacob Bannon en grande forme. Résultat : au bout de cinq chansons, la fosse est secouée par une irrésistible force centrifuge. Meshuggah, toujours aussi sombre, sobre, complexe et impressionnant. Un reproche néanmoins : le mainstage pourquoi pas, mais dans ce cas vers 23 h et pas à 18 h car l’effort fait sur la scénographie est bien plus percutant de nuit. Napalm Death, les Anglais arrivent en fin de parcours le vendredi mais Mark Greenway et sa bande s’avèrent être en très grande forme. Tee-shirt rouge, insigne peace & love, la musique détonne quelque peu avec le discours du chanteur, très politique certes (très Anglais pourrait-on dire) mais porté sur l’amour et la paix (limite qu’il nous parlerait presque d’arc-en -ciel et licorne). Bon, après, si le discours est presque fleur bleue, l’attitude en revanche ne laisse aucun doute : chanteur chez Napalm Death s’avère être bien plus épuisant que n’importe quel sport de combat.
Pour apporter de nouveau ma touche personnelle, moi Judas, du côté des confirmations, m’apprêtais à rentrer le vendredi soir dans ses pénates, titubante de fatigue, quand soudain la brutalité d’une double-pédale a, inconsciemment, guidé mes pas vers la scène Altar, et actionné ma nuque dans un mouvement répétitif de bas en haut, tentant de suivre le tempo brutal de Suffocation. Ces derniers n’ont pas volé leur réputation et ont joué un brutal-death magistral. Dans un autre genre, les français de Psykup ont confirmé leur capacité à être tout bonnement excellents en live. Dotés de très belles chemises estivales et surtout d’une énergie positive à toute épreuve, ils ont fait danser et pogoter les spectateurs, qui étaient nombreux à avoir le sourire.
Et si on continuait à grimper aux barreaux de l’échelle du Hellfest et que nous passions aux très bons concerts ? Vas-y, Jism, je t’en prie…
Watain. Excellente scénographie, superbes maquillages (tous grimés en mort-vivants), chanteur charismatique, headbang de rigueur, excellents musiciens mais, parce qu’il faut un mais, show très voire trop pro. Très bon certes mais un supplément d’âme n’aurait pas été superfétatoire (le show aurait pu atteindre l’excellence de Batushka).
Autre très bon concert, celui du surprenant Dalëk. Issu du rap tendance indus, l’Américain a réussi à tenir son public en haleine avec quasi rien: un gars au séquenceur sur sa gauche, un guitariste sur sa droite et lui au micro. Mais son univers, glauque, malsain, violent, s’adapte parfaitement aux exigences du festival.
Pour Judas, le très bon concert, c’était celui d’Enslaved. A l’image des multiples genres abordés par les norvégiens, leur musique live a généré des émotions très diverses, allant d’une force intense animale à de délicates larmes qui montent aux yeux. C’était vraiment super et superbe.
Passons maintenant aux grands concerts : de mon point de vue (et celui de Judas également), il n’y en a pas eu vendredi. En revanche, nous en avons été gratifiés de quelques uns samedi et dimanche.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#f5d100″]C[/mks_dropcap]ommençons de façon chronologique :
Misbyrming : Judas en a déjà parlé plus haut, les Islandais s’avèrent impressionnants sur scène. J’ajouterai juste qu’au delà de leur musique, d’une rare intensité et d’une grande noirceur, l’énergie qu’ils déploient est assez hallucinante, soutenue par un batteur phénoménal ressemblant de loin à chewbacca et un bassiste assez étonnant (il tient sa basse comme une contrebasse).
Oranssi Pazuzu : eux, je les attendais au tournant, mais je vais laisser la parole à Judas, qui les a plus apprécié que moi (pour la faire courte, le volume sonore était tellement fort qu’il a fini par m’éjecter de la salle)…
En effet, pour moi (qui, comme toute métalleuse qui prend bien soin de son hygiène de vie pour survivre aux trois jours, avait des protections auditives), Oranssi Pazuzu, c’était une Expérience. Les finlandais qui sont définis comme un groupe de « black métal psychédélique » ont noyé le public dans des dissonances dérangeantes, lancinantes, fascinantes. Une Expérience, je vous dis.
Plus délicat, les islandais de Solstafir m’ont donnés de très beaux frissons. Leur musique toute en subtilité, à la fois douce et rugueuse, énergique et planante a permis de passer un magnifique moment, entre deux groupes de métal extrême. En parlant de ça, « le » concert de brutal-death le plus magistral était incontestablement Benighted. Hyper bourrin et génial, bon esprit, ils étaient contents de revenir en terres Clissonaises après 4 ans d’absence et on est très contents également !
Je reprends la main quelques instants pour évoquer Neurosis et quelques autres concerts : dernier concert du samedi, situé sur la mainstage, conditions idéales pour apprécier leur metal. La scénographie est plutôt sobre, de façon à ne pas nous détourner de la musique, le groupe bouge peu mais l’intensité mise dans chaque morceau (il n’y en aura que cinq en tout ) fait que vous êtes littéralement emportés par ceux-ci. Cinq morceaux donc, très longs, d’une rare densité, tout en tension latente, et s’orientant, sur les deux derniers, vers un tribalisme quasi hypnotique. En somme, les Américains sont assez balèzes, capables de vous coller des baffes tout en vous faisant léviter. Grand.
Grand également fut le concert de Batushka dont Judas a parlé plus haut. Le set commence par des chants liturgiques avant de se poursuivre sur un black metal absolument démentiel, flirtant régulièrement avec le speed et, dans ses moments d’accalmie, avec The Cure. Musicalement ça dépote velu et au niveau scénographie, comme le décrivait Judas, ça s’apparenterait un peu à du Ghost (auteur d’un des meilleurs concerts vus jusque là au Hellfest) malsain et premier degré. Bref, c’est grandiose et ça se termine dans la logique du spectacle donné, c’est à dire par la bénédiction de l’évêque à ses fidèles spectateurs. Vivement la mainstage (ou pas, glisse Judas dans l’oreillette).
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#f5d100″]D[/mks_dropcap]ernier grand concert de mon point de vue, celui attendu par les quelques milliers de spectateurs dimanche, les vétérans d’Iron Maiden. Bon, c’est du show à l’Américaine, avec changement de décors et costumes à chaque chanson mais c’est extrêmement bien foutu, les musiciens ont l’air de prendre leur pied, Bruce Dickinson semble s’éclater et le public répond à 200%. Une heure et demie de dépaysement, d’outrance vestimentaire, bref de pur plaisir, autant le dire, ça ne se refuse pas.
Je laisse de nouveau la main à Judas pour évoquer ses deux gros coups de cœur :
Amenra, dernier concert en ce dimanche soir (ou lundi matin ?) était sans doute un des plus beaux, à tous points de vue. Beau par la musique, ce post-métal tout en intensité, qui pénètre le corps et l’esprit, mais aussi beau par la scénographie. Les belges ont pris le parti de projeter d’immenses images derrière eux, propices à l’émotion et à la contemplation. Magnifique, malgré quelques frictions dans le public de fin de festival entre viande saoule pogoteuse et amateurs de sédentarité contemplative.
Néanmoins, mon concert préféré a certainement été celui de Scepticflesh. Les premiers mots de Seth, le bassiste charismatique, ont été les suivants : « We are Septicflesh, my shoulder is dislocated, but we are here ! ». Et en effet, il ne pouvait que faiblement mouvoir son bras droit, ce qui ne l’a pas empêché de jouer, chanter et mener avec ses trois associés un concert magnétique et magistral. Ils ont joué aussi bien des extraits de leur dernier album Codex Omega que leurs tubes des précédents albums, comme le fantastique Communion. Dans le chapiteau, l’ambiance était électrique. C’était génial, tout simplement.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#f5d100″]J[/mks_dropcap]e reprends une dernière fois la main pour évoquer deux concerts, exceptionnels. Sur l’un, Judas et moi sommes tombés d’accord. Sur l’autre je suis absolument en accord avec moi-même.
A quoi peut-on reconnaître un concert exceptionnel ? Il y a deux options :
la première c’est quand à la fin du concert vous souffrez curieusement de déshydratation spontanée (genre 3 litres d’eau et autres substances aqueuses évacuées en à peine une heure), d’ecchymoses multiples et variées sur tout le corps, d’acouphènes, d’exorbitation oculaire permanente (je sais on appelle ça un néologisme), de décrochement maxillaire intempestif et que, maso comme pas deux, vous avez le sourire aux lèvres et donneriez un rein droit, gauche et même central pour y retourner. C’est à peu près le sentiment que beaucoup ont eu à la fin du set de Dead Cross, projet hardcore de l’ex Sepultura Dave Lombardo et de Mike Patton. Ok dès qu’on évoque Mike Patton, on sait que la qualité risque d’être au rendez-vous (ceux qui ont vu Faith No More à l’édition de 2015 vous le diront). Mais bon, là nous sommes plus chez Mr Bungle que FNM et autant vous le dire, Dead Cross c’est de la giclée hardcore qui vous vrille les tympans à chaque morceau. C’est court (rarement un morceau dépassera les trois minutes, même quand ils reprennent le Dirt des Stooges qui en temps normal avoisine les sept minutes), intense, drôle (faut voir Patton se préparer entre chaque morceau, attendre tendu comme un élastique le signal de Lombardo pour commencer à chanter hurler ou encore se payer la tête des Hollywood Vampires et de la piètre prestation de Johnny Depp) et même émouvant (lorsqu’il fait monter sur scène un môme d’à peine dix ans pour le faire chanter/crier avec lui sur un des rares morceaux calmes du set). Dans la fosse, ça pogote, ça slam comme rarement, le sourire aux lèvres et autant le dire, même si vous essayez de lutter, vous ne pouvez rien faire contre les mouvements qui vous secouent, it’s simply irresistible comme disait l’autre. Et ce d’autant plus que Patton et ses comparses se donnent vraiment à fond. C’est assez simple, à la fin de leur reprise apocalyptique du I Want You des Beatles, c’est à un véritable triomphe auquel on assiste. A tel point que le groupe fera un rappel de deux ou trois morceaux, histoire d’achever toute l’assistance et la voir repartir le sourire béat vers d’autres concerts. Grand, très grand concert.
L’autre option, c’est celle où vous ressortez du concert avec les tripes en déconfiture et les globes oculaires humides.Vous vous en doutez un peu, c’est exactement l’état dans lequel je suis ressorti du concert de Baroness, groupe qu’habituellement je n’apprécie pas outre mesure (leur sludge aurait tendance à me les briser un tantinet pour être poli). Sauf que là, le groupe, au lieu d’être au complet, a du faire sans son batteur, retenu aux States pour raison familiale. Du coup, le quatuor, devenu trio a du s’adapter. Et quoi de mieux que de faire un set acoustique lorsque vous êtes dans un festival dédié à Satan et à la fée électricité ? Rien.
Une heure durant John Baizley, Gina Gleason et Nick Jost ont livré au public du Hellfest une prestation absolument incroyable. Un show acoustique flirtant avec la country, parfois le jazz (celui par fois planant de Miles Davis période Bitches Brew), les mettant à nu, bien plus audacieux que derrière un mur de guitares, l’émotion à fleur de peau. Et l’émotion, ce n’est pas ce qui a manqué, loin de là. Porté par un public d’une chaleur étonnante, on a vu un John Baizley se livrer entre chaque chanson (parfaitement épaulé par une Gina Gleason à l’aise dans ses baskets), chanter comme si sa vie en dépendait, gagner en épaisseur et en crédibilité au fur et à mesure du concert et se laisser aller face aux réactions du public ( les larmes l’ont même empêché de commencer un morceau). C’était simple, beau et ça prenait aux tripes. Le public de la Valley ne s’y est pas trompé en leur faisant un triomphe.
Voilà … c’est fini … maintenant vous savez tout de l’édition 2018 du Hellfest. J’aurais tendance à dire comme chaque année que c’était la meilleure édition jamais vue jusque là (et Judas confirme) mais … si on en croit les compte-rendus précédents, l’édition 2019 devrait être meilleure encore. Maintenant vient le moment des remerciements :
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#f5d100″]U[/mks_dropcap]un grand merci tout d’abord à Judas, qui du haut de ses 1m60 a assuré autant pour les photos que pour le compte-rendu. Grâce à elle et son éclectisme musical, celui-ci aura été bien plus exhaustif que les trois dernières fois.
Merci à Lilie sans qui tout cela n’aurait jamais été possible, à Roger du Hellfest, pour les mêmes raisons et enfin à mon neveu chéri/adoré qui, pour la quatrième fois, m’aura hébergé pour que je puisse vous rendre compte en quasi direct de cet excellent festival.
Merci à tous d’avoir pris le temps de lire nos divers points de vue et à l’an prochain je l’espère. Et toujours en duo si possible.
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