En pleine atmosphère olympique, la team Addict-Culture s’est mobilisée comme jamais pour couvrir la 32ème édition de La Route Du Rock version estivale, puisque rien moins que Jism, Ivlo Cold et Beachboy ont foulé le sol malouin pour 4 jours de musique. Notre Dream team catégorie binouses/galettes saucisses se fait donc un plaisir de vous relater les meilleurs moments d’une édition en tous point remarquable !
14 Août 2024 – 1er Jour – La Nouvelle Vague
On commence par la dorénavant habituelle soirée à La Nouvelle Vague, endroit idéal pour découvrir quelques jeunes pousses prometteuses.
Ce fut encore le cas, à commencer par l’étonnant musicienne ML Buch, magnifique dans son grand costume noir et qui nous délivra quelques titres de son excellent album, Suntub paru fin de l’année dernière.
Malgré un début de set un peu timide, ML Buch, toute seule sur scène, réussit néanmoins à emballer un public fourni, alternant pièces électroniques et morceaux à la guitare électrique, sur lesquels d’ailleurs elle atteint les sommets d’un concert toute en subtilité et grâce.
On traverse l’Atlantique, direction le Canada pour accueillir Evan Uschenko alias Ghost Woman, ancien collaborateur de Michael Rault et aujourd’hui compositeur frénétique n’ayant sorti pas moins de 3 albums en moins de 18 mois avec pour point d’orgue l’excellentissime Hindsight Is 50/50 sorti l’année dernière chez Full Time Hobby. On n’oubliera pas un petit détour par la Belgique pour louer l’immense talent de sa batteuse et collaboratrice Ille Van Dessel qui attira tous les regards tant son style et son énergie ont fait forte impression.
Le duo nous offrit un superbe moment de rock psychédélique, entre charmes et tension, rappelant voire surpassant le meilleur d’un Brian Jonestown Massacre, guitares et batteries en lévitation, morceaux accrocheurs, donnant les premiers hochements de tête vigoureux d’un public aux anges.
Et que dire alors de l’état de nos cervicales, après la prestation homérique de Chalk, jeune trio irlandais dont on attend toujours le premier album mais dont les morceaux puissants et extatiques issus de leurs 2 EP, Conditions et Conditions II nous firent atteindre des sommets de plaisir.
Chalk pourrait être le croisement de Gilla Band et de Fontaines D.C., la puissance des uns et la classe des autres, c’est dire le potentiel du groupe qui prend la scène comme un ring de boxe, le chanteur Ross Cullen, véritable pile électrique parfaitement soutenu par le batteur fou, Luke Niblock et l’épatant et virevoltant guitariste Ben Goddard. Grosse claque, grosse révélation !
15 Août 2024 – 2ème Jour – La Plage de Bonsecours et Le Fort de St Père
Il fait beau, on file à la plage déguster les folks songs délicates et douces de Naima Bock, idéales pour lézarder et apprécier le talent de l’ex Goat Girl, très heureuse de profiter du magnifique cadre de la plage du Bonsecours. Son prochain album, Below A Massive Dark Land, sort dans quelques semaines, le 27 septembre exactement, chez Sub Pop, ce qu’on a pu en entendre nous a mis l’eau à la bouche.
Il est temps de filer au Fort De St Père, pour une belle et longue soirée qui s’annonce plus que bien, le début est parfaitement réussi, dès lors qu’on arrive sur le site pile poil pour le début du concert d’Enola, musicienne australienne, à la voix puissante et aux sombres compositions entre post punk et goth rock, dont le magnifique Metal Body.
Cette soirée au fort allait prendre néanmoins une toute autre dimension avec l’incroyable prestation de Kae Tempest, grand moment d’émotions, des vrais frissons parcourant le corps de festivaliers attentifs et le souffle coupé de Kae. Avec la participation discrète d’Hinako Omori aux claviers et ordis, c’est parti pour une heure de flow et de poésie, Kae Tempest parait toujours sur le fil, un sourire radieux aux lèvres, occupant l’espace comme personne, un grand moment d’amour tout simplement.
Forcément, ce fut dur d’enchainer pour Nation Of Language, le trio new-yorkais de pop synthétique, fort agréable sur disque comme en témoigne Strange Disciple, leur dernier album paru chez PIAS l’année dernière.
Ce fut un moment donc juste sympathique avec quelques coups d’éclat, comme Sole Obsession ou Too Much Enough, mais il était temps pour nombre de festivaliers de rajeunir de quelques décennies avec le légende Slowdive de retour à La Route Du Rock. Très attendu, le concert fut à la hauteur voire même plus, mélange d’immenses classiques superbement interprétées comme Catch The Breeze ou Alison et quelques extraits de l’excellent Everything Is Alive, de Shanty à Kisses en passant par Chained To A Cloud.
Une ouverture sur le Deep Blue Day de Brian Eno, une conclusion sur le Golden Hair de Syd Barrett, le concert fut un moment magique, un son parfait, une symbiose et une complicité remarquable, menées par le duo Neil Halstead et Rachel Goswell, remarquée très attentive au milieu du public pendant le set de Kae Tempest.
Après le superbe shoegaze de Slowdive, il était temps d’accueillir d’autres anciens avec le retour de The Kills, pour un concert super efficace, marqué surtout par la pêche d’Alison Moshart, tout sourire et visiblement très heureuse d’être là, alors que Jamie Hince semblait plus en retrait, triturant ses guitares dans son coin.
Si la prestation ne fut pas exceptionnelle, nous passâmes un bon moment, quelques classiques nous firent gentiment bouger URA Fever ou Black Balloon. Quelques creux ne gâchèrent pas une prestation qui sentait bon le rock poisseux et suave, que The Kills maîtrise si bien !
Changement de style et d’ambiance avec la prestation volcanique de la rappeuse canadienne Backxwash, qui nous avait gentiment prévenu qu’on allait en prendre plein les yeux avec ses visuels syncopés. Elle aurait pu nous dire également qu’on en allait en prendre plein les oreilles car elle envoya du lourd, à la limite du métal, sur lequel, avec son maquillage à la fois superbe et flippant, elle rappe, elle crie, elle hurle, faisant un tour dans le public tout aussi déchainé. Intense et saisissant !
Soulwax sortit ensuite la grosse artillerie pour conclure cette soirée, 3 batteurs, des échafaudages dans tous les coins, ce fut pro, ce fut carré mais un manque de magie et de surprise laissa le pauvre chroniqueur déjà bien éreinté sur le bord de la route !
16 Août 2024 – 3ème Jour – La Plage De Bonsecours et Le Fort de Saint Père
Certains appelèrent cela la malédiction Blonde Redhead en souvenir d’un concert mémorable du trio à la Route Du Rock en 2004, sous un déluge qui est resté dans toutes les mémoires, mais le retour des frères Pace et de Kazu s’annonçait sous un temps maussade et quelques peu humides.
Cela n’empêcha pas Beachboy accompagné de son ami Xavier, toujours optimiste mais pitoyable météorologue de se rendre sur la plage de Bonsecours, sous un joli crachin goûter au délicieux DJ Set de 2 Many Lulu’s et leur french pop rock vintage parfaite pour un début d’après-midi avant de laisser la place, avec une petit demi-heure de retard à Aline.
Le quintet français attira la foule pour un concert élégant et superbement joué, en plongeant dans leurs classiques issus de Regarde Le Ciel et La Vie Électrique complété d’inédits issus de leur compilation parue en février dernier, La Lune Sera Bleue, concluant superbement sur le génial Les Copains.
Sous une pluie de plus en plus dense, en route pour le Fort, histoire de ne pas rater les excellents Deeper, groupe de Chicago au post-punk enthousiasmant. Las, on eut beau enfiler son plus beau poncho, dur de s’éclater sur un concert bien plombé par les gouttes d’eau, malgré une belle énergie et quelques superbes titres comme les intenses Fame et Sub.
La météo n’aida pas non plus à rentrer dans le concert des pourtant très attendus Bar Italia, gros hype du moment, qu’un concert entre classe et je m’en foutisme vient confirmer. Ca chante un peu faux, ça perd parfois en intensité mais avec des Missus Morality, Punkt ou autres My Little Tony, les londoniens ont quelques sacrées chansons, qui prennent une belle dimension énergisante sur scène.
Comme un clin d’œil au passé et peu par miracle, la pluie s’estompe peu à peu dès lors que Blonde Redhead investit la scène du fort. Un Falling Man pour se réchauffer, un Elephant Woman pour rentrer définitivement dans l’univers subtil et profond du trio et c’est parti pour un superbe moment. Sit Down For Dinner Pt 1 et Pt. 2, Snowman, Melody Experiment…Blonde Redhead plonge avec envie et délicatesse dans leur dernier petit bijou sans oublier de nous gratifier de quelques classiques magnifiquement joués comme 23 ou un Dr. Strangeluv de haute volée. Un grand moment de grâce et de beauté !
Place au régional de l’étape, le vénérable Etienne Daho venu en terrain conquis, la majorité du public étant venu sans conteste pour lui, et il est certain qu’il a répondu à leurs attentes, enchaînant un best of repris en chœur par de fans aux anges. Il était lui même plus qu’heureux d’être là, rappelant sans cesse ses souvenirs malouins, très ému au moment de lancer une superbe version de Comme Un Boomerang.
Son groupe assure comme des bêtes autour de lui, au service du boss, complété par un superbe lightshow, un magnifique concert conclu par un splendide L’Ouverture, qui colla des frissons à tout le public.
Forcément, dur d’enchainer après un tel succès mais la jeune Debby Friday, musicienne nigériane installée au Canada, a bouffé la scène comme une morte de faim à coups de hip-hop sombre et puissant, à la limite du punk. Une énergie incroyable, un rythme endiablé de tous les instants, une fin plus légère permit également de conclure qu’en plus de son sens du spectacle, elle possède une sacrée voix.
Le Canada reste à l’honneur avec l’arrivée de Metz, groupe de Toronto et fidèle de La Route Du Rock. Ca cogne, ca bastonne, c’est simple et basique, mais quel pied, Metz pousse les amplis à fond et balance un noise-rock diablement efficace, même si leur petit dernier, Up On Gravity Hill avait pris quelques couleurs shoegaze. Là rien de tout ça, du plaisir pur et brut, des corps qui se balancent, des oreilles qui sifflent, Metz a mis le feu à La Route Du Rock !
Les festivaliers étaient ainsi idéalement préparés pour s’éclater sur les très chauds Fat Dog, dernière sensation anglaise du moment prêts à mettre le monde à leurs pieds avec WOOF. un premier album qui s’annonce dans quelques jours chez Domino records.
Un beau bordel ambiant, un grain de folie permanent, saxophone et synthés rentrent dans une sarabande infernale qui croisent rythmes slaves et punk rock. Ca part un peu dans tous les sens, il faut parfois creuser pour chopper la mélodie mais leur énergie est plus que communicative et permet de finir cette soirée humide avec un grand sourire aux lèvres.
17 Août 2024 – 4ème Jour – La plage Du Bonsecours et Le Fort de Saint Père
C’est parti pour le dernier jour et le dernier passage à la plage pour découvrir l’intrigant univers de Clarissa Connelly, écossaise installée au Danemark. une voix sublime, un univers oscillant quelque part entre Sinead O’Connor et Julia Holter, elle nous invite à un étrange voyage dans les Highlands, entre chant folklorique et pop songs.
Son concert à peine terminé qu’on file au fort, pour découvrir en arrivant qu’elle sera de nouveau de la partie, remplaçant au pied levé les Beach Fossils qui malheureusement durent annuler au dernier moment leur prestation. Malgré une petite pointe de tristesse, elle nous confirma être aussi à l’aise devant la mer que dans le cadre encore légèrement humide du Fort de St Père.
Dans la catégorie arrivée de dernière minute, s’ensuit Timber Timbre, alias Taylor Kirk accompagné d’une discrète claviériste, venu prendre le relai de José Gonzalez malheureusement retenu en Suède pour des raisons familiales. Le bonhomme, un peu étonné d’être là sur la grande scène, s’en tira avec les honneurs, sa voix et son jeu de guitares firent le bonheur d’oreilles attentives, tout en profitant de son humour pince sans rire, rendant hommage au leader de Junip avec I Am To Paris (To Kill You) transformé ici en I Am Coming To Saint Malo ou, plus étonnamment, à Neil Diamond sur un superbe Velvet Gloves & Spit. Ce concert semi-acoustique était un vrai challenge dans le cadre d’un festival, Timber Timbre y est parvenu avec classe !
La scène française fut ensuite mise en valeur avec des petits jeunes et des glorieux anciens, commençons donc par Astral Bakers, jeune groupe auteur d’un épatant premier album, The Whole Story paru en février dernier.
Très impressionnés de jouer devant un public aussi nombreux, Ambroise Willaume, alias Sage, Théodora De Lilez, Nico Lockhart et Zoé Hochberg s’en sortirent superbement bien, reprenant ainsi avec talent le Cherry-Coloured Funk des Cocteau Twins, très bien entouré par leurs propres compositions d’un réjouissant Something New à un impeccable Beautiful Everything.
La tension et l’influence montent ensuite d’un cran car c’est le moment le plus attendu de la soirée qui s’annonce, Air joue Moon Safari et dès les premières notes de La Femme D’Argent, la foule frissonne de plaisir, euphorique sur les tubes Sexy Boy et Kelly Watch The Stars mais toute aussi enthousiasmée et attentive sur les morceaux les plus planants de Moon Safari, qui confirme s’il en était besoin, que cela est définitivement un très, très grand disque ici produit fidèlement par Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel et soutenu par un lightshow flamboyant.
Comme l’album ne fait qu’une quarantaine de minutes, Air compléta ce moment de bonheur avec une brochette de titres complémentaires tout aussi incontournable de Venus à Electronic Performers en passant par Run, Highschool Lovers et l’immense Don’t Be Light.
L’organisation de La Route Du Rock nous offrit alors une transition dont elle a le secret passant du son le plus pur d’Air à l’ambiance sale et volcanique de Protomartyr, emmené par un Joe Casey en grande forme, enchaînant clopes et bières à la vitesse grand V tout en crachant sa rage avec sa classe habituelle.
Leur concert fut juste fabuleux, puissant, tendu, émouvant avec un Pontiac ’87 extraordinaire et un Devil In His Youth sec comme un coup de trique. C’est beau et dur, un concert de Protomartyr, tu chiales de bonheur tout en gigotant comme un môme devant un sapin de Noel.
La transition avec Meatbodies fut donc difficile, mais heureusement une chenille endiablée et joyeuse suivie d’une prestation de haute volée des espagnols de Dame Area vint conclure cette 32ème édition, absolument remarquable !
un grand merci à Ivlo, Jism et Xavier pour la compagnie et Mathieu Foucher, Titouan Massé et Nicolas Joubard.…pour les superbes visuels, à l’année prochaine !
Et voici une petite galerie de photos de l’ambiance de cette édition 2024 pour vous donner envie de venir l’année prochaine :
La Route Du Rock – 14 au 17 août 2024 – St Malo
Toutes les photos sont de Titouan Massé, Mathieu Foucher et Nicolas Joubard, merci à eux pour leur talent !
Image bandeau : Étienne Daho par Titouan Massé