[dropcap]L[/dropcap]e retour d’Hippocrate, la série de Thomas Lilti, a été longtemps attendu, alors la question se pose : on prend les mêmes et on recommence ?
Les mêmes ? Pas tout à fait. Les événements de la première saison ont laissé des traces et chacun en est sorti changé.
Atteinte physiquement, Chloé (Louise Bourgoin) n’est plus du tout la même, prise dans la torpeur d’une vie changée à tout jamais, qui l’éloigne malheureusement de sa profession de médecin réanimateur, reléguée à des tâches ultra simples. Hugo (Zacharie Chasseriaud) est encore là lui aussi, toujours autant conscient des autres, mais jamais vraiment sûr de lui et aux côtés d’Alyson (Alice Belaïdi) qui prend de l’assurance surtout dans les situations les plus tendues. Et Arben… ah Arben… l’économe en paroles si souvent prêt à défier les règles pour le bien des patients, Arben (Karim Leklou) fait sa réapparition aussi, dans des conditions encore une fois compliquées.
Toutefois, il n’est pas question de reprendre où l’aventure s’était arrêtée.
La saison 2 démarre direct, cash, dans des circonstances qui révèlent encore une fois un état des lieux lamentable de l’hôpital, qui va voguer en mode « dégradé » tout le long de la saison : deux services doivent fusionner en catastrophe suite à l’inondation accidentelle des urgences, et les patients finissent agglutinés à droite et à gauche, dans un chaos à peine maîtrisé.
Le chef du service des urgences qui s’invite en médecine générale est un personnage un peu fruste, urgentiste sur la brèche mais toujours capable d’empathie, incarné par l’étonnant Bouli Lanners. À ses côtés, les équipes doivent fusionner elles aussi et s’adapter à un niveau de stress encore plus élevé.
Du triage sur parking, un accueil débordé, des heures d’attente, des couloirs bondés, un rythme de passage de portes incessant, cet hôpital n’est plus qu’un grand navire en pleine tempête, au gîte démesuré, proche du naufrage.
Ici, ça vomit, ça saigne, ça hurle. À des années lumière des séries hospitalières aux murs blancs, aux blouses impeccables, aux manucures soignées de médecins canons. Le propos n’est absolument pas le même, la distraction reste consciente et concernée.
Encore une fois, Thomas Lilti réussit son pari de réalisme, proche de l’action et de l’humain, tout en parvenant à dépeindre l’ensemble de professions déjà malmenées avant la pandémie. Alors oui, on s’attache à ces jeunes qui apprennent en même temps qu’ils pratiquent à une cadence infernale, souvent au mépris des patients.
« Hugo, qu’est-ce que tu fais ?! Tu ne peux pas prendre 10 minutes par patient ! C’est 3 minutes maximum ! Sinon on n’y arrivera pas ! »
Qui se tapent des gardes de plus de 36h en mangeant un yaourt. Qui fonctionnent à l’adrénaline, sur un fil.
Tension et empathie pour développer les personnages que l’on connaît déjà et justement envisager les nouveaux arrivants, Hippocrate 2 nous rappelle, en toute honnêteté, qu’il n’y a rarement qu’une seule raison pour laquelle tout peut s’effondrer.
L’humain a des limites, même s’il est médecin.
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HIPPOCRATE saison 2
8 épisodes de 52 minutes
créateur et réalisateur : Thomas Lilti
production : 31 Juin Films/CANAL+/les films de Benjamin/SCOPE PICTURES
distribution : Louise Bourgoin, Alice Belaïdi, Karim Leklou, Zacharie Chasseriaud, Anne Consigny, Bouli Lanners, Géraldine Nakache
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Photo : Denis Manin / 31 Juin Films / Canal+