Avec Ivo a mis les voiles, Sarbacane et Nicolaï Pinheiro frappent fort. Si vous cherchez une BD originale et belle à la fois, vous l’avez trouvé. Dessins très expressif, couleurs chaudes et sombres à la fois, évoquant un Brésil sur la corde raide avec d’un côté les très riches et de l’autre ceux qui survivent comme ils le peuvent. Au milieu de tout ça, deux personnages : Ivo et Pedro. Un jeune, un vieux. Deux temps de narration car on a apprend dès les premières pages qu’Ivo est mort. Pedro, dont on ne sait pas le lien qui l’unit à Ivo, se met en route pour suivre les traces laissées par cet homme. On a un road movie mais qui prend son temps. Aucun des deux n’est pressé.
Ivo, retour en arrière, vivant mais souffrant d’un cancer de la gorge a décidé de larguer les amarres et de prendre la route. Maintes péripéties l’attendent. Mais que dire de Pedro qui lui aussi va vivre l’aventure d’une vie. Longeant la côté est brésilienne, il va rencontrer des gens, se lier d’amitié avec eux, les aider et se laisser aider par eux. L’entraide des tous petits ? En tout cas, il ne sera jamais vraiment seul même lorsqu’il quitte un ami sur le bord de la route. C’est d’ailleurs le seul regret que j’ai eu en lisant Ivo a mis les voiles. Ne pas savoir ce que deviennent ces personnages croisés et aimés sur quelques pages. Peut-être était-ce une volonté de Nicolaï Pinheiro de nous laisser imaginer ce qu’ils deviendraient pour se concentrer sur Pedro et Ivo. Ces deux là finiront par se retrouver, d’une certaine façon, surtout d’une très belle façon, pour clore cette magnifique histoire.
Ivo a mis les voiles, c’est 160 pages de beauté, de sensibilité, d’amour mais aussi de violence parfois. On traverse cette BD avec les larmes jamais très loin. On est émus, souvent, tout le temps (?) et il nous est difficile de lâcher l’histoire pour reprendre notre vie quotidienne. Pourtant, Nicolaï Pinheiro, à travers ce qu’il nous raconte, nous oblige à reprendre notre respiration car s’il dépeint un Brésil lumineux où les gens s’aident, se parlent, il nous montre aussi la pauvreté extrême.
Entre Ivo et Pedro aussi notre coeur balance pour savoir lequel nous aimons le plus. Le jeune et fougueux Pedro qui est en quête. De quoi ? De lui même ? Ou Ivo qui continue jusqu’au bout malgré ses douleurs et sa maladie et ce trou dans le gorge qui le laisse nous parler très doucement, d’une voix frêle qui va s’éteindre. Cet homme qui a couru toute sa vie et qui finit par se poser après un dernier et long voyage.
Et puis, il y a dans Ivo a mis les voiles, ces interludes dans lesquels l’auteur s’attache à nous parler d’un personnage absolument secondaire qu’Ivo ou Pedro vient de croiser. Bouts de vie souvent terribles et émouvantes.
Quelle part de lui-même Nicolaï Pinheiro aura-t-il mis dans cette BD ? Car il adapte ici un roman de Mauro Pinheiro : Cemitério de navios. Même nom de famille étonnamment. Les éditions Sarbacane ne mentionne rien à ce propos. Peut-être vaut-il mieux ne rien savoir, préserver le mystère.
Vous l’aurez compris, Ivo a mis les voiles est un coup de coeur absolu. Une œuvre qui va résonner longtemps en moi.