[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#b0894f »]V[/mks_dropcap]enir à la vie dans un camp de la mort, un paradoxe terrible dont l’issue sera fatale pour 491 des 522 nourrissons de la pouponnière du camp de Ravensbrück, la Kinderzimmer.
Soixante ans plus tard, devant l’entrée du camp, Valentine Goby, l’auteure du roman, comprend que l’homme qui se tient devant elle a été déporté alors qu’il était dans le ventre de sa mère.
À partir de ce fait historique méconnu, elle a imaginé l’histoire de Mila.
Déportée au camp de Ravensbrück à vingt ans, elle est enceinte et le tait. Elle porte ainsi en elle le seul espace de liberté qui lui appartienne encore, et revendique en silence cette ultime résistance contre ceux qui l’ont enfermée.
Valentine Goby a choisi le regard de Mila et le présent pour faire vivre au lecteur un pan de l’Histoire qui n’en est pas encore un au moment où Mila le vit. Elle en ignore l’issue, bien qu’elle en imagine les contours funestes. Néanmoins, au cœur de ces ténèbres, l’enfant qu’elle porte devient une raison quotidienne et collective de s’accrocher à l’existence.
Dans cet entre-deux mondes, la mort est a priori préférable à la vie, douloureuse et lente agonie. Dans sa vie d’avant, Mila n’avait pas à chercher de raison de vivre, elle en avait mille, toutes plus délicieuses les unes que les autres : « acheter du pain à la boulangerie, vendre des partitions de musique, embrasser ton père et ton frère le matin, repasser une robe, aller danser avec Lisette, faire du riz au lait…« .
La vie au camp, c’est le rien, le néant, l’antichambre de la mort.
Ce qu’elle ne mesure pas encore, c’est que vivre est en soi la raison absolue de vouloir rester en vie, quels que soient le lieu et les conditions d’existence. Et cette raison est amplifiée lorsqu’elle entre en résonance avec celle des autres car « vivre est une oeuvre collective« .
En filigrane de ce roman grave et lumineux en apparence, qui mêle la petite histoire et la grande, Valentine Goby propose une réflexion profonde sur ce que vivre veut dire.
Kinderzimmer de Valentine Goby paru aux éditions Actes Sud, août 2013.
(crédit photo à la une : Fanny Dion)