[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]dieu l’enfance fut pour moi une révélation. Un bijou de minimalisme pop, esthétique et intemporel, qui me toucha en plein cœur. Comme une pellicule que l’on aurait déroulée dans le grenier qu’est l’âme, les chansons d’Agnès Gayraud se métamorphosaient en une pluie fine de réminiscences.

Et puis il y avait cette douceur. Dans la voix, dans les arrangements, dans les paroles. Quelque chose de presque spirituel se dégageait de cette simplicité désarmante. La Féline enterrait son enfance avec une élégance absolue, sans amertume, nous emportant de but en blanc dans sa quête. J’attendais donc le prochain album avec une impatience folle, sûre qu’il serait somptueux. Une intuition qui s’avéra exacte. Triomphe est en effet taillé dans le même bois précieux. Ce genre d’album est difficile à définir : La Féline fait partie d’un monde parallèle, tout en abordant des thèmes universels. Elle nous emmène cette fois-ci dans des ethnies musicales foisonnantes, composées de paysages lointains, de héros inconnus et de sons riches. Un voyage initiatique, à la recherche d’un nouvel âge.
Senga est le point de départ de l’épopée. Intitulé mystérieux : Senga est-elle cette fille à la peau brune qui sait « monter à cheval, couper des roseaux, attaquer et se défendre » ? La guerrière n’est pas nommée mais l’histoire est racontée à la manière d’un conte. Car oui, la Féline est avant tout une conteuse. Des textes ciselés, précis et construits comme des fables.
Les titres sont évocateurs (Le Royaume, La Mer avalée, Trophée, Samsara, Le Plongeur …) et chacun des morceaux nous embarque vers l’ailleurs, à travers une new wave vagabonde et littéraire. Comme dans les EP et albums précédents, la langue est essentielle. Dans Comité Rouge, ce sont quelques mots d’anglais qui viennent se poser par touches délicates. Puis le français est perturbé par un soupçon d’italien dans le superbe Gianni. Un « Tu lo sai non c’è domani », scandé à l’adresse de l’aventurier éponyme, qui rythme une mélodie envoûtante, proche du western. Cet esprit cinématographique est au centre du projet musical d’Agnès Gayraud, dont le nom d’artiste lui a d’ailleurs été inspiré par le film réalisé par Jacques Tourneur en 1942. Ce n’est donc évidemment pas un hasard si l’on retrouve à travers sa musique quelque chose de très imagé, façon pop-up.

Triomphe est la suite logique d’Adieu l’Enfance, avec quelque chose qui semble s’être apaisé. Moins radical, moins électronique, moins viscéral peut-être, il se révèle tout aussi passionnant : des voix qui s’entremêlent dans des mélodies magnétiques, entre incantations, ballades raffinées et interludes brumeux. La sortie de l’album est prévue le 27 janvier 2017.