[dropcap]Q[/dropcap]uand le monde s’affole et que la création s’épuise, que perçoit-on à travers la vitre ? Dans La Fenêtre au sud, roman de l’Islandais Gydir Eliasson proposé par les éditions La peuplade, la réponse est prétexte à une langoureuse balade nordique.
Je me suis fait du café et je suis assis devant la machine à écrire. J’ai oublié de me procurer un nouveau ruban en ville, et c’est toujours la même histoire (dans tous les sens du terme) : les lettres apparaissent à peine en gris pâle sur le papier. Gyrdir Eliasson
Face à sa fenêtre, en bord de mer, dans une contrée éloignée de l’Islande, un écrivain tape les mots de son roman que le vieux ruban noir usé de sa machine à écrire peine à imprimer. Pendant toute une année, le temps, au rythme immuable des quatre saisons, fait son œuvre. La neige de l’hiver recouvrira peu à peu les traces laissées par l’écrivain en mal d’inspiration. Elle blanchira aussi les maisons noires, le pelage des corbeaux et les pensées vagabondes, « comme si toute la nature s’était muée en une page non écrite ».
Ce pourrait être plein de banalités, un écrivain qui ne parvient pas à écrire, le temps qui passe dans un pays où seules la supérette et le café semblent s’animer. Pas d’événement marquant, peu de rencontres, pas grand-chose pour s’enflammer, rien, flashes de vie sans importance, sensations fugaces, parfois étonnées, d’une vie en suspens.
On prend pourtant un réel plaisir à suivre ce Jonas, son errance dans un monde en panne qui, au loin, étale sa furie. Nous sommes en 2011. Par bribes, à la radio, on entend le monde s’effondrer : l’horreur de Fukushima, la mort de Ben Laden, la révolte syrienne, la folie des hommes et de la nature… Mais là où l’écrivain a trouvé refuge, « les jours s’écoulent comme dans un film muet ». Le roman dans le roman ne peut s’écrire, à peine la fiction même de l’écrivain écrivant. Alors on parcourt l’année fragmentée de Jonas comme dans un journal écrit au jour le jour : comme lui, on s’y sent seul et désorienté, même si, malgré tout, et c’est le miracle hasardeux de notre monde, quelques éclairs parviennent à percer et à émouvoir.
Une douceur mélancolique
« C’est souvent difficile de savoir d’où viennent les influences. La mer en a sans doute plus sur vous qu’aucun livre. » Omniprésente, au bout de cette fenêtre au sud, au-delà du phare, la mer, froide ou glaciale, noire ou claire, est indifférente aux soubresauts des hommes. « La mer est tout à fait lisse ce matin : océan pacifique ». Elle peut être calme ou déchaînée, elle reste là, essentielle, vitale, et « on n’aurait pas besoin d’autre musique » se satisfait Jonas en recherche d’apaisement.
Difficile de savoir ce que donnent la sonorité et le rythme de la langue islandaise, mais la traduction très sobre de Catherine Eyjólfsson donne à ce roman/poème une douceur mélancolique très communicative.
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La Fenêtre au sud de Gyrdir Eliasson
traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson
La Peuplade, septembre 2020
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