Et si plus rien n’avait de sens ? Les décisions politiques, les grandes phrases creuses, les logiques de pouvoir, les débats de plateau… Et si, au lieu de se morfondre au fond de son canapé devant les chaînes d’information en continu, on riait franchement de ce qui ne tourne pas rond, en tirant le fil de l’absurdité jusqu’à ce que la pelote s’effiloche toute seule ?
Dans La fin du sens, Rémi Lascault et Ami Inintéressant ont retenu cette option et dressent un inventaire à la Prévert des dérives du monde contemporain. Sans être moraliste, mais en poussant tous les curseurs au maximum. D’un débat où les scandales politiques sont brandis comme des bons points à la fin de mandat ardue d’un individu devenu président par erreur, les répercussions sur le quotidien des un.e.s et des autres ne seront pas négligeables. C’est cruel, mais très juste. Et surtout, c’est drôle. Drôle parce que ces excès rendent l’ensemble irréaliste (encore pour quelques temps ?) et permettent de prendre de la distance avec ces orientations moroses.


Graphiquement, La fin du sens est un ouvrage minimaliste, volontairement plat et sans fioritures. Il n’y a guère besoin de plus : la mise en scène laisse la place au texte, et surtout au non-dit. On pensera évidemment à Fabcaro ou Il ne faut pas prendre les cons pour des gens. Les cons, justement, sont l’une des deux obsessions (les dialogues d’Audiard étant l’autre) de ce président nommé par hasard.

Les auteurs ne cherchent pas la chute parfaite à chaque strip, mais plutôt une montée progressive vers le malaise : ce moment où le rire s’étouffe parce qu’on réalise qu’on n’est plus très loin de la réalité. Ce que La fin du sens capte, c’est précisément ce sentiment de décalage permanent, où le réel semble s’écrire à coups de coquilles, de décisions prises trop vite, d’idées mal digérées. Le monde continue de tourner, mais plus personne ne semble vraiment au volant.
En refermant cette bande dessinée, on n’est certes pas plus avancé mais on se sent un peu moins seul à éprouver cette perte de sens. Cela ne changera pas la face du monde mais c’est déjà pas mal.