[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]es éditions Le nouvel Attila proposent un texte macédonien écrit en 1971, paru une première fois en France en 1980 et retraduit aujourd’hui : La grande eau de Živko Čingo.
Lem et Isaac (dit fils de Keïten) sont dans un orphelinat. Ils sont liés l’un à l’autre dès le début parce que Lem a un bon dossier tandis que celui d’Isaac, beaucoup moins bon, oblige la direction à le placer sous la responsabilité d’un enfant plus reconnu.
Dossier ? Il s’agit en fait du comportement des parents. Ont-ils été des patriotes exemplaires ou ont-ils comploté contre le régime.
Nous sommes dans le bloc de l’URSS avec tout ce que cela implique d’embrigadement. Ainsi Staline est une figure importante ici. Les enfants apprennent tout de sa vie.
« Que je sois maudit, le fils de Keïten ne pouvait absolument pas digérer les cours de morale. Ils lui restaient en travers de la gorge comme une bouchée de pain dur.«
Le directeur de l’établissement est nommé le petit père, référence directe à Staline.
Les brimades sont nombreuses. Les surveillants abusifs. La liberté illusoire.
Pourtant, les enfants feront, dans cet orphelinat, l’apprentissage de la solidarité.
Et puis il y a la grande eau. Celle qui est au delà du mur, de cette sorte de prison. La grande eau que l’on peut apercevoir si on arrive à regarder à travers les murs. Métaphore magnifique de ce que peut être la liberté et son désir. C’est le secret des enfants de l’orphelinat, ce qui leur permet de tenir malgré les brimades.
Živko Čingo nous offre en la personne de Lem, un héros et un narrateur à la langue étonnante. Ses mots sont à la fois brutaux et poétique, répétitifs avec ses « Je le jure » ou ses « Que je sois maudit ».
Lem semble raconter son histoire comme si elle n’avait pas eu lieu, comme si aucune preuve ne pouvait subsister, comme si la grande eau allait tout engloutir et peut-être les sauver. Alors tout serait oublié, les souffrances effacées et Lem, Isaac et les autres dans un ailleurs post dictature.
La grande eau de Živko Čingo, traduit par Maria Bejanovska, aux éditions Le nouvel Attila, janvier 2016