[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#e2531f »]S[/mks_dropcap]i nous sondions les passants d’une rue pour savoir s’ils aiment ou non la poésie, les réponses seraient sûrement positives. Mais les lecteurs de poésie ne sont que très peu nombreux. Pour cette rentrée littéraire, les éditions Allia publient la traduction par Violaine Huisman de l’essai La haine de la poésie de Ben Lerner, une analyse parfois mordante de l’attraction véritable de la poésie.
Ben Lerner est un auteur américain, plus connu pour son œuvre romanesque que poétique. Ces romans, Au départ d’Atocha et 10:04, sont publiés en France aux éditions de l’Olivier. Son œuvre poétique, pourtant récompensée par de nombreux prix, n’a pas été traduite hormis la traduction d’un poème dans l’excellente revue Muscle. Ben Lerner souffre aussi de cette distinction entre la bienveillance que le public peut avoir pour la poésie et la faible étendue de son lectorat. Dans La haine de la poésie, l’auteur réfléchit cet écart autrement, celui qui se produit entre l’idée de poésie et son aboutissement : le poème écrit.
Le plus souvent, l’idéal poétique ne se retrouve pas dans les poèmes. Pour l’illustrer, l’écrivain multiplie les exemples autant personnels que littéraires plus ou moins fameux. Il parle de Whitman, de la poésie contemporaine, de son accueil critique. Il analyse aussi de manière amusante « le plus mauvais poète de l’histoire » (selon Wikipédia) William McGonagall. Il y a dans cet essai bien plus qu’un exercice de réflexion sérieuse mais un texte où l’auteur parle de lui et des autres avec beaucoup d’humour et de distance.
La réponse qu’apporte Ben Lerner à cette dissociation entre poésie et poème est assez belle pour pouvoir être évoquée sans gâcher le plaisir de lecture. Si l’idéal poétique est impossible, il est alors évident que chaque personne doit tenter cette impossibilité car l’art de la poésie est justement d’être le témoin de l’impossibilité de l’idéal. Si l’on attend de la poésie qu’elle y aboutisse, c’est finalement une preuve d’amour et d’espérance pour elle.
La haine de la poésie de Ben Lerner
Traduit par Violaine Huisman paru aux éditions Allia le 24 août 2017.