[dropcap]L[/dropcap]a première phrase de l’avant-propos de Prise de vers est « Le présent ouvrage n’est pas un manifeste ». On comprend que Pierre Vinclair dans cet essai va plus loin qu’une posture artistique et intellectuelle. C’est une recherche très approfondie sur la poésie contemporaine par un poète âgé de 36 ans. Il est l’auteur de nombreux textes en vers et proses ainsi que d’essais. Il est aussi fondateur de la revue Catastrophes. Il n’est plus à prouver que Pierre Vinclair tient déjà un rôle important dans la poésie contemporaine et sa réflexion ici déployée permet de le démontrer une fois de plus.
Il n’est plus à prouver que Pierre Vinclair tient déjà un rôle important dans la poésie contemporaine et sa réflexion ici déployée permet de le démontrer une fois de plus.
Le postulat de Prise de vers doit parler à tous ceux-celles ayant un rapport plus ou moins direct avec la poésie. Il s’agit de l’illisibilité de la poésie actuelle que Pierre Vinclair fait débuter avec Mallarmé. Ce constat que beaucoup ont pu faire, parfois en renonçant à poursuivre la lecture, est le point de départ d’une réflexion sur l’utilité de la poésie. Le sous-titre du livre « À quoi sert la poésie ? » peut paraître prétentieux car qui peut venir donner le sens de tout un art. Il met toutefois en lumière la tentative de Pierre Vinclair de venir expliquer un domaine artistique dont la complexité peut parfois exclure.
Pour continuer à parler du titre, Prise de vers est une référence à Mallarmé, ayant signé en son temps une conférence intitulée Crise de vers. C’est par là que commence l’essai. Il va alors mener une réflexion sur la particularité de la poésie, cette illisibilité qui distingue la poésie du roman et de l’essai. Alors pourquoi est-elle peu lue ? Pierre Vinclair ne s’apitoie pas sur ce constat mais l’explique par des analyses de textes de poètes comme Philippe Beck, Yves Di Mano ou encore Dominique Quélen.
Les réponses que l’on trouvera dans Prise de vers dynamitent le constat d’échec de la poésie contemporaine. Elles montrent son effort salutaire qui va à contre-courant de la consommation culturelle actuelle. Même si ce n’est pas un manifeste, Pierre Vinclair défend la poésie qu’il aime et donne son point de vue sur l’intérêt de ce domaine artistique.
Cependant, quelques exemples peuvent illustrer des contradictions dans la pensée de Pierre Vinclair. Lorsqu’il dit ne pas vouloir parler d’une poésie qu’il appelle « naïve », on peut se demander si l’approche de cette poésie n’aurait pas éclairé tout le reste d’un autre aspect. On regrette la prédominance d’évocations de poètes masculins alors que la poésie actuelle est constituée de nombreuses poètes féminines. Le rejet qu’il exprime en fin d’ouvrage des poètes qui ne théorisent pas leurs pratiques est un peu violent.
Mais ces points de désaccords ne viennent pas entacher la richesse du propos de Prise de vers, bien au contraire, elles créent du débat et confortent la vitalité du domaine étudié.
L’effort de Pierre Vinclair est salutaire. Il conscientise les difficultés de la poésie contemporaine (peu de lecteurs-trices car trop ardue) et propose une approche plus apaisée où l’intérêt de la poésie contemporaine ressort de manière évidente, devenant une alternative aux dominations esthétiques et intellectuelles.
[divider style= »dashed » top= »20″ bottom= »20″]
[one_half]
Prise de vers de Pierre Vinclair
Paru à La rumeur libre éditions, le 17 octobre 2019
[/one_half][one_half_last]
[/one_half_last]
[divider style= »dashed » top= »20″ bottom= »20″]