Premier roman de John Burnside, La maison muette est un livre singulier de par son thème et son écriture.
Le narrateur veut étudier le langage et découvrir le siège de l’âme et les interactions entre les deux. Il se renseigne donc de façon quasi systématique sur toutes les études faites à propos du langage, de la privation du langage, des enfants éduqués par des parents muets, des expériences faites à l’antiquité où certains enfants étaient élevés par des muets.
D’où vient le langage ? Est-il acquis ou inné ? Et s’il est inné, serait-ce le langage de Dieu ?
Cet homme va alors raconter son parcours, en prenant soin de bien mélanger les différents temps (façon de ne pas donner la solution tout de suite), tout en expliquant bien dès les premières lignes qu’il a tué les jumeaux.
Qui sont ces jumeaux ? Pourquoi sont-ils assassinés par le narrateur ? Quelle a été leur vie ? Il faut lire le roman pour le savoir.
John Burnside nous donne à lire plusieurs épisodes de la vie de son anti-héros : avec son père quasi invisible à ses yeux et à ceux de sa mère, sa vie avec sa mère et la mort de celle-ci suivie la cérémonie macabre qu’il organise en son honneur, sa relation avec une dame rencontrée via une annonce pour étudier les enfants muets, ses expériences ensuite.
La langue de Burnside, le poète, se fait précise, quasi chirurgicale et violente à la fois par exemple dans la neutralité des descriptions des dissections des animaux vivants.
La maison muette est difficile à lire tant les obsessions du narrateur sont perverses. Le calvaire des petits jumeaux est, par exemple, particulièrement éprouvant. Pourtant, c’est un livre qui ne se lâche pas. Une oeuvre morbide mais dans laquelle se cache de la beauté. Les enfants, privés de mots, inventent leur propre langage. Une mélopée insupportable pour celui qui expérimente grâce à eux. C’est à travers ces chants que La maison muette ne l’est plus tellement et que le lecteur ose continuer sa lecture.
La maison muette de John Burnside, traduit de l’anglais par Catherine Richard, paru aux éditions Métailié, janvier 2008