[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#31483c »]L[/mks_dropcap]e split EP, ou plus encore, le split LP est un exercice toujours délicat. Généralement, on fait l’acquisition d’un split pour l’un des deux groupes, et puis, on délaisse sans vergogne la face B (ou A, c’est selon).
LA MORTE YOUNG est une formation française, au nom bien évidemment inspiré de La Monte Young, composée des membres de Sun Stabbed, Talweg et Nappe. Ces noms ne vous diront peut-être pas grand-chose, mais dans la sphère expérimentale et noisy de l’hexagone, ils résonnent comme autant de coups de tonnerre. Ce « super-groupe » trouve ses racines chez La Monte Young, c’est évident, mais également chez les Dead C, ou chez les Sonic Youth (dans leur profil le plus expérimental).
En effet, dès l’album précédent, les champs brûlés, voire cramoisis, qui sculptaient leurs paysages sonores s’étalaient sur de longs et lents espaces soniques parfois abstraits mais toujours organiques. Sur ce nouvel opus, tout se résume en un seul titre de vingt minutes. Cette musique essentiellement métallique, dans sa texture, se fracasse, se concasse lentement, comme un broyeur industriel. Sur « Cortex the killer », on y manipule les larsens, les cassettes, les ambiances, jusqu’à former ce drone languissant qui semble vouloir s’attaquer à votre patience, même si rapidement, le tapis de bruit blanc se dérobe sous vos oreilles pour vous faire glisser sur une plaque cataclysmique. Bien que la batterie semble vouloir peu à peu s’inviter au démolissage en règle de vos repères, cette métronomique aquarelle ne suffit pas à courir les râles issus d’un asile d’aliénés qui trônent dans les couloirs de l’effroi. Cette atmosphère glaçante prend ensuite la route des manipulations électroniques, alors que la batterie mène tambour battant sa marche presque funèbre.
Si les premières minutes ne sont pas sans évoquer clairement les Dead C ou les SYR, la suite est tout autre. Car enfin, on trouve ici plus que du noise rock. On y croise parfois des touches de harsh-noise, comme sur ces cris venus de nulle part et qui angoissent voire terrifient l’auditeur. Et puis tout se casse irrémédiablement la figure. La suite se désagrège lentement, et cette fois, il s’agit d’un free-rock bien senti, avec ces mêmes cris qui reviennent sans cesse, mais démultipliés comme hurlant le désespoir d’une musique de fin du monde. Les cordes sont alors effleurées, les électroniques éthérées, les voix enterrées, et les oreilles exténuées. Mais le décor, s’il est gris, aux contours d’hôpitaux psychiatriques abandonnés plus que des vertes prairies vaguement évoquées sur la magnifique pochette, ne reste jamais figé sur ce drone mutant en perpétuel évolution qui compte parmi les réussites de l’année 2015.
La face B est également passionnante. Le quartet de Drone Electric Lust, nous plonge dans un univers tout aussi vacillant. Cette fois, le thème abordé se rapporte beaucoup plus à l’obsession, la répétition perpétuelle et à l’infini de ce thème minimaliste, sabordé par des larsens, des sons électroniques réduits à leur plus simple fracture. Une valse étrange et fantomatique s’installe peu à peu comme pour faire danser les morts ou ceux qui sont sur le chemin. Et puis, noyées dans la réverb’, les guitares chantent telles des sirènes, ou plus probablement des baleines harponnées par la mort courant irrémédiablement à l’échouage. La pièce se transforme peu à peu et là encore, l’on pense aux SYR ou au final de Diamond Sea, des mêmes Sonic Youth. En quelques minutes, le bain sonore vous enveloppe et vous garde sous sa froideur inquiétante. Sonnent aussi les cornes de brume du dernier voyage, celui dont on ne revient pas. Bref, un disque remuant, par ailleurs un bel objet, uniquement disponible en vinyle.
Le disque est sorti grâce à une coproduction : UP AGAINST THE WALL, MOTHERFUCKER ! / Apartment records / Dysmusie /pica disk /Killer / doubtful sounds et vous pourrez vous délecter d’un extrait du morceau de La Morte Young ici-même :