[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]P[/mks_dropcap]auline Delabroy-Allard a eu la gentillesse de nous accorder une interview à l’occasion de la parution de son premier roman aux éditions de Minuit : Ça raconte Sarah. Coup de cœur de l’équipe littéraire d’Addict-Culture, l’auteure nous parle du processus d’écriture et de ce qui a permis la naissance de ce très beau roman, chroniqué il y a quelques minutes.
Adrien Meignan : Comment et par quoi a débuté l’écriture de Ça raconte Sarah ?
Pauline Delabroy-Allard : L’écriture du roman a débuté par un voyage en Italie, à Trieste (hé oui !), ville qui m’a donné envie d’écrire tout de suite.
Au-delà d’imaginer une similarité entre votre propre histoire et celle du roman, ce qui ne nous regarde pas, il ressort de la lecture une grande maîtrise, un élan, comme si vous étiez animée par un besoin vital d’être ce texte. Est-ce le cas ? Quel fut le moteur pour passer à l’écriture romanesque ?
En effet, le texte a été écrit dans une urgence de raconter cette passion, cet amour. J’ai toujours écrit, des textes plus ou moins longs, à la fois critiques littéraires mais aussi textes d’autofiction et de fiction, de la poésie. Il se trouve qu’il y a eu un moment où je suis entrée dans la rédaction de ce premier roman, une brèche dans l’espace-temps qui m’a permis d’oser, enfin, franchir le pas de l’écriture d’un texte long.
Y-a-t-il eu un temps important de relecture et réécriture de ce texte pour aboutir à la forme finale ?
Oui, évidemment le texte a été travaillé puis retravaillé. Il s’est écoulé un an entre le moment où l’écriture du premier jet a pris fin et sa parution.
C’est donc une histoire d’amour. Je trouve que dans la littérature contemporaine, cette thématique est souvent mal considérée, abordée avec des pincettes quand elle l’est. Vous vous emparez de ce sujet « à pleine mains », en n’hésitant pas à y mettre un nouveau lyrisme sans que ce soit passéiste ou mièvre. Comment comprenez-vous cela ? Parler d’amour dans la littérature d’aujourd’hui est-il devenu difficile ou pas du tout ?
[mks_pullquote align= »left » width= »250″ size= »20″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″] « J’avais envie de raconter une passion amoureuse, ce qui est bien différent d’une histoire d’amour… » [/mks_pullquote]
Je trouve que parler d’amour en littérature est un tel poncif qu’il faut effectivement prendre des pincettes, car le risque de la mièvrerie est très important et les écueils à éviter sont nombreux. Pour autant, j’avais envie de raconter une passion amoureuse, ce qui est bien différent d’une histoire d’amour, à mon sens, et les effets de cette passion sur les protagonistes. Il ne s’agit pas tant d’écrire l’amour que de décrire la folie.
La description de cette folie est marquée par celle des sentiments décrits. Il y a de la douceur, du désir et de la douleur ou encore une certaine mélancolie. Est-ce une façon de renouer avec une écriture qui place le sentiment au centre ?
Je n’ai pas le sentiment de renouer avec une forme de littérature qui place le sentiment au centre. Ce qui m’intéresse, c’est de décrire avec précision les effets tant physiques que psychiques d’une passion amoureuse. Épuiser l’inépuisable, qui est le désir. C’est plus vraisemblablement un livre sur le désir et l’obsession que sur le sentiment.
Peut-on qualifier votre écriture de sensible ? Est-ce que vous êtes d’accord avec cette qualification ?
Oui, je pense que l’on peut sans peine dire que mon écriture est sensible, puisque c’est une écriture de la passion, période de la vie où les sens sont mis en éveil. Les descriptions des sensations tactiles, des couleurs, des choses entendues, des sons et des musiques évidemment, le passage des saisons, l’importance des fruits qui parsèment l’histoire d’amour sont autant de choses mises au service d’une manière d’être au monde plutôt du côté du sensible que du sentiment. Les deux femmes vibrent sur la corde sensible du monde qui se fait écrin de leur histoire d’amour.
Il y a des références à Hervé Guibert et à Marguerite Duras dans « Ça raconte Sarah ». Au-delà de ces deux figures littéraires, quelles sont vos influences, les écrivain-e-s qui ont marqué votre vie de lectrice avant cette première publication ?
Je lis énormément de littérature contemporaine, surtout française. Ce qui a accompagné l’écriture du roman, c’est une lecture approfondie d’Annie Ernaux, que j’ai lu dans son entièreté (et dans l’ordre chronologique de ses parutions) mais je ne suis pas sûre que ceci ait influencé mon écriture. Seulement, j’étais dans la quasi-impossibilité de lire quoique ce soit pendant le temps de l’écriture, sauf les romans d’Ernaux.
Quel fut votre sentiment quand vous avez appris que vous seriez publiez aux éditions de Minuit ?
Je n’ai pas réalisé tout de suite que c’était vraiment ce qui était en train de se passer, comme si le réel avait un décalage. Et puis ensuite ce fut une grande joie, évidemment doublée d’un grand honneur.
Comment vous est venu le titre « Ca raconte Sarah » ? Comment l’expliquez-vous ?
Le titre du roman est une des formules obsessives qui parsèment le texte. Je l’aime beaucoup parce qu’on peut le lire en boucle (ce qui dénote aussi l’obsession), évidemment pour son côté un peu durassien, pour le côté freudien aussi. Et puis il a l’avantage d’être sincère.