[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]N[/mks_dropcap]ous vous avions parlé avec beaucoup de délectation et tenté de communiquer notre enthousiasme l’an passé pour Le Fleuve des brumes de Valerio Varesi édité chez Agullo qui amorçait les premières enquêtes du commissaire Soneri. C’est donc avec une impatience non feinte que nous attendions les nouvelles investigations de notre commissaire épicurien et c’est chose faite avec ce nouvel opus intitulé La pension de la Via Saffi.
Éloigné du fleuve du Po, lieu de la première enquête, nous sommes cette fois à Parme à la veille de noël. On vient d’apprendre que l’on a retrouvé le corps sans vie de la vieille Ghitta Tagliavini, une figure locale, propriétaire de longue date de la pension installée au centre ville. Après un rapide examen du corps de la défunte il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un crime. L’enquête est alors confiée au commissaire Soneri, qui souhaiterait botter en touche pour cette fois mais face au manque de personnels dû au congés pour les fêtes, le chef n’a pas le choix et doit désigner notre héros. Si ce dernier espère qu’on lui retire cette affaire, ce n’est pas par flemmardise ni pour des exigences de carrière, mais parce que Soneri connaissait bien la victime et les lieux qu’elle entretenait. En effet, c’est dans cette pension qu’il a rencontré sa femme, Ada, morte depuis des années mais dont les cicatrices de la disparition ne sont pas totalement refermées. Cette enquête pourrait se révéler douloureuse pour notre homme…
Nous retrouvons dans ce nouveau roman la qualité d’écriture qui forge la singularité de notre auteur et provoque instantanément notre plaisir de lecture. Ce nouvel opus nous donne à lire un policier littéraire et poétique de Valerio Varesi qui se pose en peintre d’une nature humaine ambivalente, dans un contexte urbain froid et déshumanisé. On ne boude pas notre plaisir à s’imprégner de la prose de Varesi, les descriptions sont si judicieuses pour nous faire éprouver les doutes et les questionnements du commissaire, on retrouve cette brume, ce brouillard épais entre les ruelles formant un climat froid, une atmosphère presque crépusculaire, comme si Soneri se débattait d’un mauvais cauchemar entre le crime crapuleux de la vieille femme et sa psyché bouleversée par les réminiscences du passé.
Le narrateur nous pose un cadre, cette pension qui va évoluer avec le temps et la sociologie qui va graviter en son sein. Et c’est là que Valerio Varesi est très fort c’est qu’il parvient à entremêler les nœuds personnels, les vieux fantômes, qui sommeillaient depuis tant d’années chez Soneri et qui rejaillissent de manière incontrôlée et douloureuse. Tandis que les investigations nous permettent de comprendre que cette pension s’est transformée en lieu de rendez-vous inappropriés, de trafics en tout genre et même le pire que l’on aurait peine à imaginer, créant notre stupéfaction et celle de notre héros. Soneri n’est pas forcément prêt à affronter les démons du passé, l’histoire de sa défunte femme Ada qui a eu une vie avant de le connaître. Alors est-il prêt à accepter la vérité qui révélera les mystères qui entourent l’assassinat de Ghitta ?
La Pension de la via Saffi de Valerio Varesi traduit de l’italien par Florence Rigollet aux éditions Agullo, , mars 2017.