Prolifique auteur anglais, Gerald Seymour voit pour la première fois un de ses romans traduit en français par les Editions Sonatines.
Dans son ombre, paru en 2001 en Angleterre est un polar, noir, très noir.
Des personnages de policiers bien campés, des truands malfaisants mais avec une part d’humanisme insoupçonnable, de la violence, de la cruauté, des meurtres.
Un bon polar en gros donc. Classique mais déjà vu.
Non finalement.
L’originalité de ce roman se trouve d’abord dans sa situation géographique. Seymour campe son histoire en Angleterre mais dévie rapidement vers Sarajevo. La guerre est évoquée. Ses ravages, ses petites ou grandes intrigues à travers deux personnages: un serbe et un musulman. Deux amis que les combats séparent.
Le conflit terminé, les deux hommes se retrouvent avec angoisse, amitié et haine également. Haine d’autant plus farouche que les champs du musulman sont bourrés de mines prêtes à exploser, posées par les Serbes pour « se défendre ».
Quel rapport avec l’intrigue général, la police et les truands ? Il y en aura bien un qu’il serait malfaisant de dévoiler.
Le roman s’ouvre avec une cuisante défaite pour les services secrets anglais. Leur ennemi public numéro un, Albert William Packer vient de gagner son procès et est libéré.
C’est une tragédie pour l’agent des douanes, l’obstiné Joey Cann.
L’organisation mise en place pour faire tomber Packer est dissoute.
Cann souhaite continuer sa mission et un grand ponte qui l’a remarqué, mise sur lui.
Packer, voulant se refaire une santé, après huit mois de prison en attendant le procès, souhaite diversifier ses activités criminelles.
Pour cela, Sarajevo semble le lieu idéal. La mort, là-bas, de son plus proche collaborateur l’incite à faire le voyage, pour découvrir la vérité et avancer dans ses affaires.
Joey Cann, accompagné d’une agent des services secrets, va le suivre.
Sarajevo est une ville ravagée. La corruption y est généralisée, les habitants pauvres et à l’affut.
Seymour rend particulièrement bien compte de cette ambiance mortifère. Les rendez-vous de Packer avec ses homologues de Bosnie-Herzégovine sont glaçants et dangereux. Ceux de Cann avec le seul juge qui accepte de l’aider restent des moments cruels. La vie décharnée de ce juge et de sa fille, handicapée à la suite d’un drame de guerre, prennent aux tripes.
L’habileté de Seymour se trouve dans sa façon de mélanger les intrigues : on passe sans cesse, à l’intérieur d’un même chapitre, de l’Angleterre, à la Bosnie-Herzégovine via Packer ou Cann, à la vie dans le pays via les deux vieux amis-ennemis qui vivent en banlieue et se fâchent, se réconcilient autour de leurs parties d’échecs et des champs minés.
Une analyse politique et sociologique vient compléter le roman de Seymour. Comment reconstruire le pays, comment financer le déminage? Quelle partie de la Bosnie-Herzégovine sera déminée d’abord et pourquoi? Comment Sarajevo, ville d’histoire, peut-elle devenir la plaque tournante du trafic de drogue entre la Turquie, l’Italie et l’Angleterre? Qu’ont vécu les habitants pendant la guerre, comment ont-ils survécu et que vivent-ils maintenant?
Série de duels dans ce roman. Packer- Cann mais aussi Packer avec ses « associés » et la guerre qu’il mène contre eux, contre le juge, contre l’Angleterre. Cann contre son propre camp, contre sa petite amie restée au pays, mais avec le juge et sa fille.
Ces deux personnages sont les pivots du roman. On suit leur histoire. On s’attache tant à l’un qu’à l’autre. Ils finissent par se confondre. Unis par le même désir de vaincre, ils passeront sur tout pour gagner. Seymour prend le temps de les poser en héros ou anti-héros.
Packer incarne le mal mais il a aussi ses failles, faiblesses et des sentiments que l’auteur distille petit à petit.
Cann, agent des douanes incorruptible, obsédé par Packer et son désir de vengeance, incarne lui le côté positif mais jusqu’où ? Jusqu’où osera-t-il aller?
Les 100 dernières pages se dévorent. Jusqu’à ce moment, Seymour gardait un rythme lent, mettant les choses en place, analysant psychologiquement ses personnages.
L’intrigue de ces pages se resserre dans le temps. Une après-midi, une nuit et le début d’un autre jour font tout basculer dans un final inattendu digne des meilleurs Sergio Leone.
Dans son ombre, Gérald Seymour, paru aux Editions Sonatines, Janvier 2015.