Ma très chère Björk,
Il y a quelques mois j’apprenais avec une joie intense ta venue non loin de mes pénates. C’est illico deux précieux sésames que je récupérais dans l’optique de savourer une énième prestation live de ta part.
Stupeur alors d’apprendre à dix jours de l’évènement ton annulation pour cause de flemmingite émotionnelle aigüe. N’étant pas rancunier, je me permets de prendre la plume afin de te narrer les instants que tu auras manqué (à regret ?) en cette journée du 15 Août 2015.
Le festival La Route du Rock continue de célébrer son 25ème anniversaire avec un Samedi qui s’ouvre au Fort Saint Père sous la baguette du sympathique Only Real. La boue de la veille aura eu le temps de sécher, les rayons venant nous caresser d’une musique idéale pour une fin d’après-midi en mode zen. Une setlist charmante mais composée de titres assez inégaux chez ce jeune londonien mariant habilement flow hip hop et pop sucrée légèrement psychédélique. Un peu d’excès dans les chorus mais au final, un agréable moment passé grâce notamment aux arpèges dansants de Yesterdays et Can’t Get Happy. Titres fredonnés discrètement mais surement par des festivaliers connaisseurs et attentifs.
Pas le temps de trainer, notre transhumance s’opère de la scène des Remparts à celle du Fort située juste en face (sauf si on s’autorise une déviation vers le bar). L’occasion de s’enivrer du bain de soleil arctique que nous délivre le duo Kiasmos. Une électro cosmique et vibrante adaptée à une technicité n’ayant pas à rougir des illustres cuisiniers-bidouilleurs des temps modernes. Les arrangements impulsés son soyeux et rebondissent avec une certaine fantaisie. A noter les variations de Looped ici relooké pour les besoins captivants de la scène… Sur la longueur, un léger sentiment de lassitude mais ton compatriote Olafür Arnalds aura réussi le challenge de la classieuse représentation islandaise du jour.
Idéalement placé pour le show dantesque de The Soft Moon, je m’abandonne comme mes voisins à la furie de Black et ses riffs torturés. Luis Vazquez est accompagné d’un batteur fou et d’un bassiste tranchant par sa redoutable discrétion. Le trio délivre une performance d’entrée et jusqu’à son terme totalement musclée. Un mélange de cold wave jouissive et de rock indu assassin. Deeper, dernier album en date (voir la chronique par votre serviteur ici-même) est passé à la moulinette de l’expérience du vivant, broyé par une exécution animale. Idem pour les autres compositions passées au hachoir. Une perception du chaos… C’est percutant et le public jubile ! Vasquez se tortille derrière ses claviers, martèle ses beats de guitares tranchantes, osant le jeu de cymbale avec le manche surmontant ses six cordes. C’est sombre mais haut en couleurs et le rappel de Want en forme de feu d’artifices tribal est un sommet en matière de post punk. Le seul bémol sera cette voix perdue dans des effets extrêmes, étouffée par trop d’échos. J’ergote tu sais car ici l’essentiel est ailleurs : perdu dans le cri bestial du leader… Sans aucun doute ma chère amie, la grosse claque de ce Samedi soir malouin !
A l’issue de ce concert, une Darkette conquise et moi-même allons perdre la trace des autres illustres chroniqueurs d’Addict Culture (cette fois-ci c’est mon smartphone et non toi qui me fit faux bond) … Ces derniers ayant succombé au shoegaze tapageur des bristoliens de Spectres.
Concentration de notre côté sur le show attendu de Foals. Le contexte, tu le sais n’aura été évident. Acceptant brillamment de te remplacer au pied levé, les anglais nous auront fait craindre le pire : La frayeur de « bouder » le festival pour cause de bassiste malade. Mais voilà, trop motivés à l’idée de te suppléer, le groupe ira investir les lieux avec le concours de son back-liner ! Double plan B donc et une toute première que j’imagine impressionnante pour l’intéressé. Un soulagement en tous les cas pour un public heureux de retrouver des poulains gonflés à bloc. Des « sauveurs » acclamés comme il se doit par la foule. L’occasion pour Foals de dévoiler Snake Oil, Mountain At my Gates et What Went Down, compositions devant fournir un album dont la sortie officielle approche de plus en plus. Le déroulement des opérations coule de source. On passe du tubesque My Number à des effluves plus sauvages (Providence) puis progressives (Spanish Sahara + Red Socks Pugie) avec à mon goût un certain manque de risques et nuances. Le tout ne manque pas de force mais à trop hurler dans la nuit, Inhaler finit par se perdre dans les méandres de strates multiples. La volonté de percuter est indéniable et fortement louable étant considéré le contexte. Je resterai donc mitigé, il faut dire que mon regard ne fut pas aidé par des touristes imbibés pour le moins gênant. Foals fait le job à minima sans un rappel. Il me faut tout de même te relever que l’ultime morceau (Two Steps, Twice) te sera dédié sous les huées.
Si ça peut te redonner du baume au cœur, sache que j’ai du lamentablement renoncé aux sets tardifs de Daniel Avery et Lindstrom pour cause de symptômes émotionnels trop puissants !
Voici donc mon ressenti pour ce nouvel épisode au pays de l’indie way of life qui, au delà du plaisir de prendre du bon son dans les oreilles, aura été l’occasion d’échanger une fois encore avec celles et ceux qui partagent le même goût pour une musique hors des codes.
Bises.
Petite playlist des artistes présents samedi soir à La Route du Rock :