Comme tous les ans, impossible pour votre humble serviteur de rater la Route Du Rock, c’est donc avec un immense plaisir qu’il traina ses baskets du côté de St Malo, entre plages, salle surchauffé et l’incontournable Fort de St Père.
La belle nouveauté d’ailleurs avait lieu au fort, avec le plaisir de retrouver les douves pour quelques moments de détente et surtout de DJ Set avec Marie Davidson, qui conclut le premier soir sous un magnifique orage, Zone Rouge et Comme Ca.
16 Août 2023 – 1er Jour – La Nouvelle Vague
Reprenons néanmoins les choses dans l’ordre et commençons par le début, qui depuis quelques années, passe par La Nouvelle Vague qui eut le plaisir d’accueillir pour une toute première date en France, le très jeune trio anglais HotWax, originaire de Hastings, composé de Tallulah Sim-Savage, impressionnante chanteuse guitariste, l’énergique bassiste Lola Sam et le plus discret mais tout aussi efficace batteur Alfie Sayers. Avec quelques singles et un seul EP dans leur bagage, HotWax lança parfaitement les festivités, c’est frais, c’est tonique et ça promet pour l’avenir sur la base de quelques très bons titres interprétés avec fougue comme Treasure ou Rip It Up.
HotWax se paya un beau succès alors qu’on sentait bien que la foule très présente dans l’étuve de la Nouvelle Vague était d’abord là, pour confirmer ou vérifier les dires de nombreux sur l’incroyable talent des Psychotic Monks sur scène. Il ne fallut que quelques minutes aux 4 parisiens pour mettre tout le monde d’accord, oui, Psychotic Monks en live, c’est juste fort, ça monte ça descend, ça secoue dans tous les sens. Piochant principalement dans leur magnifique dernier album, Pink Colour Surgery, avec d’incroyables versions de Crash ou Imagerie, Artie, Martin, Clément et Paul avancent à la fois comme un seul homme mais laissent l’espace à chacun pour s’exprimer et pas uniquement derrière le micro. La palme ira néanmoins à Martin avec sa traversée épique de la salle jusqu’aux gradins pour mettre tout le monde en transe.
Après un tel choc, difficile d’atterrir, certains même décidèrent de s’arrêter là, mal leur en prit tant le show de Warmduscher fut super cool, entre garage, soul et funk. Alignés comme les 4 mousquetaires, masquant un batteur complétement déchainé et impressionnant, Clams Baker, très classe avec ces lunettes noires et ses amis, déjà souvent croisés par ici au sein de Fat White Family ou The Moonlandingz mirent le feu dans les guiboles des festivaliers encore présents, heureux de gigoter sur Disco Peanuts ou Standing On The Corner.
17 Août 2023 – 2ème Jour – La Plage de Bonsecours et Le Fort de St Père
Il fait beau, on file à la plage, pour profiter d’un moment de grâce. C’est en effet la très talentueuse Aoife Nessa Frances, qui nous y attend avec ses 3 compères, pour nous présenter quelques uns de ses magnifiques morceaux pop folk, face à la mer, très classe derrière ses lunettes et surement très heureuse de profiter d’un tel cadre. On l’écoute religieusement, le temps semble suspendu jusqu’à une magnifique reprise du Shipbuilding de Robert Wyatt.
On en sort tellement impressionné et ébloui qu’on lézarde et profite du soleil, avec pour conséquence d’arriver méchamment à la bourre au fort, ratant piteusement la prestation de Jonathan Personne, le guitariste et chanteur de Corridor, ici, en solo.
C’est donc avec les très attendus Dry Cleaning, que nous nous installons devant les scènes du Fort, pour une prestation pleine de bons moments, mais qui n’apportera pas le frisson attendu. Certes, Florence Shaw est fascinante avec sa robe dorée, portée sur une robe noire et sa gestuelle tout en sobriété se marie parfaitement avec l’énergie volcanique de ses 3 acolytes, mais il manqua le petit supplément pour nous faire décoller, comme on l’espérait, ce que réussit parfaitement Squid quelques minutes plus tard.
Les londoniens appelés de dernière minute suite à la défection de Viagra Boys, mirent les bouchées doubles avec leur explosif post punk, pour faire oublier l’absence des très attendus tatoués suédois, avec humour et sympathie, allant même jusqu’à reprendre parfaitement le Sports de ces derniers. Une incroyable énergie, des ruptures incessantes, beaucoup d’inventivité, Squid lance parfaitement la soirée !
Il valait mieux assurer d’ailleurs car Gilla Band allait confirmer sa fascinante radicalité sur scène avec une prestation qui en laissa nombreux le souffle court et le tympan douloureux. Dara Kiely s’arrache les cordes vocales, les 3 autres déchirent tout, tels des rouleaux compresseurs déchainés, il faut entendre une fois dans sa vie le Why They Hide Their Bodies Under My Garage pour découvrir l’immense plaisir de se faire expédier dans les étoiles à grands coups de riffs sanglants !
Forcément, l’enchaînement avec M83 pouvait paraitre complexe et dur à relever pour Anthony Gonzalez, et pourtant, on prit beaucoup de plaisir à suivre sa prestation, très classe et orientée danse, à coups de Teen Angst et Wait avec une superbe conclusion Midnight City/Mirror, le tout sublimé par un splendide light show. Du grand et beau spectacle !
S’ensuivit le dance punk riche en couleurs et énergie de Special Interest menée par l’époustouflante Alli Logout, qui emporta le morceau à coups de slogans fédérateurs et de grooves entêtants.
Après un loupé l’année dernière, la Route Du Rock accueillait les australiens de King Gizzard & The Wizard Lizard, très attendus et qui se mirent tout le monde dans la poche à peine un superbe The Dripping Tap entamé. Immense jam psychédélique et jouissif, glissant peu à peu vers un féroce hard rock, se concluant sur Super Cell et Gila Monster, extraits de leur récent PetroDragonic Apocalypse. Grand concert, grand groupe, parfait conclusion d’une soirée parfaite ou presque puisqu’une chenille nous attendait avant de se noyer avec bonheur sur l’impeccable sélection de Marie Davidson !
18 Août 2023 – 3ème Jour – Le Fort de Saint Père
Très grosse affiche ce 18 août, qui laisse le festivalier bien en peine de trouver un créneau décent pour se sustenter mais alléché par un programme de choix. Certes, l’annulation de dernière minute de Billy Nomates était un coup dur, mais offrant néanmoins l’opportunité à Grand Blanc de bénéficier du rare privilège d’assurer deux prestations puisqu’on les retrouvera le lendemain à la plage du Bonsecours.
Après ce lancement tout en douceur, arrivent sur scène les légendaires Yo La Tengo, 18 ans après leur passage précédent pour un set en tout point magnifique, beau et énergique, pendant lequel Ira Kaplan fera une véritable démonstration de son talent de guitariste tout en laissant bien sur tout l’espace nécessaire à Georgia Hubley, parfaite derrière sa batterie et le discret mais indispensable James McNew.
Leur dernier album, le splendide The Stupid World se taille bien sur la part du lion, avec un Sinatra Drive Breakdown en ouverture mais également le morceau titre, un Aselestine délicieux ou bien encore Fallout. Yo La Tengo n’oublie pas non plus de plonger dans son imposante discographie pour nous sélectionner quelques uns de leurs classiques, de Stockholm Syndrome à un splendide I Heard You Looking pour clôturer un très, très beau concert, sans oublier bien sur l’incontournable From A motel Six.
Sans atteindre les mêmes sommets, The Black Angels assurèrent ensuite une prestation de haute voltige, portée par la voix si reconnaissante d’Alex Maas et une rythmique de feu en particulier grâce à l’incroyable Stéphanie Bailey à la batterie. A la fois sombres et hypnotiques, les morceaux des anges noirs, principalement issus de Wilderness Of Mirrors sorti l’année dernière, sont joués avec une précision chirurgicale, scotchant le public sous un déluge sonore, qui entraîne quelques forts sympathiques pogos, histoire de bien s’échauffer pour la suite des festivités.
C’est en effet Osees qui prend la suite, et pour pogoter, ça va pogoter. Avec son tout chaud Intercepted Message sous le coude, la bande de John Dwyer va nous faire une de ces prestations dont elle a le secret, le tout à 100 à l’heure, sans une minute de relâche et d’une puissance phénoménale. C’est vrai que les 2 batteurs, Dan Rincon et Paul Quattrone occupent le devant de la scène et s’en donnent à cœur joie, il faut bien qu’ils soient deux d’ailleurs pour rivaliser avec un John Dwyer en très, très grande forme. Époustouflant concert, le sommet du festival, même si on en est sorti avec quelques bleus collectés lors de quelques superbes mouvements de foule, quelque part entre Funeral Solution et Fucking Kill Me !
La Route Du Rock nous fait alors une programmation dont elle a le secret, histoire de nous remettre de nos émotions tout en nous ouvrant à de nouveaux univers, puisque c’est le trio californien de hip hop experimental Clipping qui s’empare de la scène, pour une fascinante prestation à la fois sombre et chaleureuse. Impressionnant Daveed Diggs aux vocaux, alors que ses deux complices nous sortent des sons d’extra-terrestres planqués derrière leurs tables de mixage.
A la suite d’un Queen Is Dead de feu, Young Fathers ne relâchent pas la pression et nous offrent ensuite une prestation de très haute intensité, basses énormes, énergie communicative, les écossais bouffent véritablement la scène, égrenant une bonne partie du grand Heavy Heavy paru en février dernier complétant avec quelques uns de leurs plus anciens titres comme les immenses Shame ou Get Up. Entre pop psychédélique et hip-hop, c’est un étonnant voyage qui nous est offert mais auquel le nombreux public répond présent.
On pousse ainsi jusqu’au bout de la nuit, épuisé mais heureux comme un gosse perdu dans un magasin de jouet et on se fait un dernier plaisir sur la très jolie prestation de Deena Abdelwahed, entre dance, électro et musique arabe, point d’orgue parfait d’une soirée parfaite.
19 Août 2023 – 4ème Jour – Le Fort de Saint Père
Malgré une fatigue bien naturelle suite à la nuit de folie précédente, hors de question d’être à la bourre puisque nos chouchous londoniens de Sorry avaient le privilège de lancer cette dernière soirée.
Malgré une heure de passage un peu précoce et sous un beau soleil, Asha Lorenz, capuches et chapeau de cowboy version boules à facettes et ses comparses ont parfaitement réussi leur show, grâce à leurs titres diablement efficaces comme Cigarettes Packed ou Key To The City et une belle cohésion qui confirment l’immense potentiel du groupe.
On sera moins enthousiaste quant à la prestation de Jockstrap, le duo electro-pop composé de Georgia Ellery et Taylor Skye, ça reste sympathique, mais problème de son noyant les mélodies et scène un peu grande pour ce tout nouveau groupe, on restera à côté.
Cette petite déception sera vite oubliée dès lors que les new-yorkais de Bodega investissent la scène pour un concert ultra efficace et jouissif et qui sera déjà le sommet de cette dernière journée. Aucun temps mort, plus d’une quinzaine de titres joués tambour battant, avec humour beaucoup et pas mal d’émotions, le quintet fait chavirer la foule encore bien présente ce dernier soir dans un vrai grand moment de plaisir, par la grâce de titres imparables comme How Did This Happen ?, Charlie ou Doers. Et quand vient, trop rapidement, l’heure de se quitter sur un Shiny New Model d’anthologie, on sait déjà que cette soirée sera encore un succès
The Brian Jonestown Massacre prendra la suite, Anton Newcombe est magnifique tout de blanc vêtu, Joel Gion est tout aussi fascinant, simplement accompagné de ses maracas ou son tambourin, le regard au loin, le bonnet vissé sur la tête. Nous passons un bon moment, mais juste un bon, pas un grand comme espéré. Certes le set est efficace, le groupe bien en place, mais intermèdes trop longs, manque de souffle, l’enthousiasme déclenché par chaque chanson retombe assez vite. Légère déception, même si c’est toujours un plaisir de voir BJM et qui sera vite balayée par la découverte d’un superbe talent en la personne de Flohio, de son vrai nom Funmi Ohiosumah, rappeuse nigériane aujourd’hui installée à Londres, dont on avait raté Out Of Heart, l’unique album sorti l’année dernière tant son énergie, son flow, et sa présence nous embarquèrent dans un vrai grand moment de plaisir.
On finira cette route du rock, épuisé mais heureux sur le set de Jamie XX, de The XX dont il jouera d’ailleurs On Hold ainsi que 50/50 de Jockstrap, nous donnant même envie de réécouter ces derniers, quelques derniers pas de danse un peu chancelants, on sèche lamentablement They Hate Change, pour rentrer les étoiles plein les yeux avec la promesse de revenir l’année prochaine à St Malo !
La Route Du Rock – 16 au 19 août 2023 – St Malo
Toutes les photos sont de Titouan Massé, Mathieu Foucher et Nicolas Joubard, merci à eux pour leur talent !
Image bandeau : Osees par Titouan Massé
« Shipbuilding » à été écrite par Elvis Costello.
« A été « …saisie automatique.