Vous le savez, la Route Du Rock, c’est du 13 au 16 août prochain. Ce que vous savez moins peut-être, si vous vivez sur une autre planète, c’est qu’en 2015, le festival fête son quart de siècle. L’occasion pour François Floret, organisateur présent dès les débuts, de m’accorder gracieusement trente minutes de son temps et revenir sur un festival qui lui aura procuré les émotions les plus intenses de ses vingt cinq dernières années.
Première question pour se mettre dans le jus :
Si vous deviez refaire la première édition avec les moyens actuels, quels seraient les groupes invités ?
Alors comme ça, de tête, difficile à dire. Certains sont déjà venus ou vont venir : Ride, Slowdive. Je dirais, à cette époque, pour le côté hardcore, Ministry. Autrement Dead Can Dance ou Einstürzende Neubaten. Et, si on avait les moyens actuels à notre disposition, The Cure, New Order ou les Cocteau Twins.
Sur ces vingt cinq années, quels ont été, pour vous, les souvenirs les plus fous ?
Une des plus grosses surprises a été Gus Gus. Programmés à 19/20 h en ouverture du festival (en 1999), le groupe a fait bouger le public comme je ne l’avais jamais vu jusque là : une masse qui bougeait comme un seul homme; et pour les faire bouger à ce point-là… Autre anecdote : quand Sonic Youth (en 2005) a porté le drapeau de la Route Du Rock dans les loges (depuis, le logo de la K7, présent sur toutes les affiches du festival, c’est leur logo). Autre souvenir intense : celui où avec Alban (autre organisateur du festival) nous avons pris une photo avec Robert Smith pour une remise de maillots du Stade Rennais (dont je suis un inconditionnel) avec inscrit The Cure dans le dos. Le concert de Polyphonic Spree aussi a aussi été un grand moment de grâce. Un concert quasi biblique avec une communion extraordinaire entre le groupe et son public. Une image m’a particulièrement marqué : celle d’un enfant sur les épaules de son père tendant le doigt vers le groupe et le chanteur lui répondant à l’identique. Dernier souvenir aussi, le concert de Sigur Ros, phénoménal.
Les sueurs les plus froides ?
Le concert de Divine Comedy (2002) pendant lequel des bourrasques de flotte tombaient à l’oblique, trempant la scène. Il fallait régulièrement éponger le clavier de Neil Hannon. De plus, c’était la seule année où nous n’avions pas pris d’assurance annulation. donc s’il avait fallu annuler, c’était la banqueroute assurée pour le festival. Il va sans dire que la nuit passée dans la chambre d’hôtel, où j’entendais la pluie tomber sur la fenêtre, j’en étais arrivé à prier pour que la pluie cesse.
Autrement il y a la Route Du Rock 1998. Ou plus précisément celle de 1997, qui a été un moment fédérateur. Nous avons été victimes d’une escroquerie pour laquelle nous étions en mort clinique : plus d’argent, interdit bancaire, coordinateur viré, il a fallu tout reprendre de A à Z. J’ai donc laissé tomber mon boulot (dans la fonction publique, aménagement du territoire) pour me consacrer exclusivement au festival, à chercher des financements pour 1998 (heureusement pour nous, les financements publics ne nous ont jamais lâché). Ajoutez à cela un sous-préfet qui devait probablement pas nous blairer et décide d’interdire l’accès au site du Fort pour effectuer des travaux de dépollution entre… Mai et Septembre 1998 (le Fort était une ancienne propriété de l’armée qu’il a fallu dépolluer). Bref, plus de sous, plus de locaux…mais comme j’ai pas l’habitude de me laisser abattre, j’ai demandé à l’équipe présente autour de moi s’ils étaient prêts à se retrousser les manches et nous avons fini par repartir à zéro en réussissant à organiser cette Route Du Rock 1998. De cette frayeur, nous avons réussi à puiser une énergie hors du commun, ce qui fait que depuis nous nous sentons quasi invincibles.
Les joies les plus intenses ?
Le sauvetage du festival en 1998 et le concert de Cure en 2005.
Les regrets éternels ?
Deux surtout : Radiohead, qui aurait pu venir en 1999, et Arcade Fire. En 1998, nous nous sommes brouillés avec l’agent français de Radiohead qui a préféré les faire venir à Paris, sous chapiteau si je me souviens bien, plutôt qu’au Fort. D’ailleurs, en 1998, le guitariste de Radiohead était venu dans les loges assister au Festival. Lors d’un repas avec Alban, il lui dit en gros que le site est très sympa et qu’il aimerait bien venir jouer l’an prochain. Alban le prend au mot et le fait signer sur… la nappe ! Toujours est-il que nous nous sommes sentis floués par l’agent et que nous n’avons pas repris contact depuis. Pour Arcade Fire, on a simplement pas compris pourquoi les Vieilles Charrues ont mis une exclusivité sur eux, les empêchant de faire des concerts ailleurs. Nous nous entendons pourtant bien avec les organisateurs….
(on pourra ajouter à la liste Björk, combinant à elle seule regrets éternels et sueurs les plus froides NDC)
A l’avenir comptez-vous élargir l’audience du festival en amenant certains styles plus « extrêmes » à la Route Du Rock ? Je pense notamment à des groupes comme Sunn O))) ou Om ?
C’est marrant que tu m’en parles car Sunn O))) devait être présent le vendredi à la Route Du Rock cette année. Ça n’a malheureusement pas pu se faire à cause de problème d’agenda. Sinon pour répondre à ta question, oui, des groupes comme Sunn O))) ont tout à fait leur place dans un festival comme le notre, ils font partie de notre ADN. En parlant de musiques extrêmes, My Bloody Valentine, par exemple, c’était une expérience sonore ! Cette année, Girl Band ou Spectres devraient pouvoir contenter les festivaliers amateurs de sensations fortes.
Enfin, dernière question, ne craignez vous pas que l’aménagement du drainage sur le site fasse perdre une partie de son charme au festival ? Les habitués ne risquent-ils pas d’être perdus sans leur bain de boue annuel ?
Non, qu’ils ne s’inquiètent pas, une partie du Fort n’a pas pu être drainée. Tout ça parce que chaque année un marché aux fleurs se déroule dans le Fort et qu’une élue craignait que les fleurs ne puissent survivre sans drainage… Donc que les spectateurs ne s’inquiètent pas, un bain de boue sera toujours possible. D’ailleurs ce serait formidable si, pour cette année, le beau temps était de la partie. Parce que c’est pas qu’on en a marre de se traîner une réputation de festival pluvieux mais on aimerait quand même bien s’en défaire. » (rires)
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