[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#d66d31″]A[/mks_dropcap]près Elisée Reclus et Jackson C. Franck, Thomas Giraud continue de s’emparer de la vie d’hommes pour en faire des fictions biographiques. Dans son troisième roman, il s’empare de la figure de Victor Considerant et du projet (un peu trop) ambitieux de la cité Réunion. L’écrivain propose avec Le bruit des tuiles un texte plus exigeant où sur 280 pages les vies d’hommes et de femmes se confrontent à l’idéal et aux désillusions. Dès les premières pages, on devine que Thomas Giraud nous emmène bien plus loin que dans la tête d’un idéaliste.
Victor Considerant (1808-1893) est philosophe et économiste, adepte du fouriérisme. Il fait le tour de la France pour vanter les mérites de son projet de cité qui serait construite selon les concepts du penseur socialiste Charles Fourier (1772-1837). Des terres ont été achetées au Texas pour y construire Réunion. Considerant se rêve plus pragmatique qu’il n’est, donnant une tonalité mystique à ses discours. Il persuade beaucoup de monde pour voyager au-delà de l’Atlantique et y construire Réunion. L’épreuve de la traversée montre déjà les failles du projet. Arrivé sur place, le fermier Leroux, l’un des participants, s’aperçoit que les terres achetées au bord de la rivière Trinity ne valent rien.
Ainsi la lente descente vers la désillusion s’amorce. Leroux fut le plus lucide. Il est le personnage qui vient contrebalancer l’idéalisme de Considerant. Thomas Giraud sait comment faire résonner son histoire. Les mots utilisés sont autant de touches évocatrices de l’échec. Considerant ne fera plus qu’entendre le bruit des tuiles venir se briser au sol, symbole entêtant de sa perte. En ayant voulu confronter des idéaux politiques à la réalité d’un territoire qu’il ne connaissait pas, Victor Considerant en devient pathétique et touchant. Le bruit des tuiles ne raconte pas seulement le désœuvrement face à l’échec mais aussi un acharnement dérisoire et admirable.
Thomas Giraud signe son livre le plus réussi et nous parle avec force des illusions politiques. Avec Considerant et l’échec de Réunion, il parle de la force que chacun peut avoir d’espérer et d’échouer : l’un n’allant pas sans l’autre. Nous n’irions pas jusqu’à dire que Le bruit des tuiles est un roman politique mais il enseigne ou remémore qu’en terme de pensée commune on ne peut pas mettre de côté le caractère propre de chaque être social. Les idées progressistes ne doivent pas négliger la diversité du monde et la liberté de tous, ce qui peut encourager plus de possibilités heureuses.